On dit que la bonne musique développe l’imagination et aide à la repousse des cheveux… Côté cheveux, je ne sais pas, mais côté imagination les petits Allemands de TERRA ATLANTICA se défendent bien, voire pourraient envisager de se lancer dans la parution d’un bon gros roman fantastique en sept ou huit tomes ou encore de produire une nouvelle série-TV mêlant récit historique, ambiance steampunk et paradoxe temporel (sans oublier la petite histoire d’amour qui va bien !). L’intégralité de ce fond narratif picaresque se trouve d’ailleurs retranscrit sur le site web de TERRA ATLANTICA et englobe le premier opus studio du quartet "A City Once Divine" paru en 2017 puis le chapitre deux qui nous intéresse aujourd’hui "Age Of Steam" sorti en août 2020. Pour résumer à l’extrême et éviter ainsi de tomber dans la critique littéraire qui n’intéressera que peu de monde ici, l’histoire illustrant le métal symphonique trépidant de TERRA ATLANTICA conte par le menu les tribulations épico-amoureuses d’un jeune homme nommé Tarion au frémissement du XIXème siècle de notre ère, alors que la Perfide Albion (qui vient de mettre à bas notre si gentil Empereur) domine les mers du globe et que l’intéressé entre en contact avec des rescapés de la cité d’Atlantide, punie par les Dieux et dont il est lui-même un ancien maître de guerre… Pardonnée après de longues années d’exil, la cité mythique retrouve alors sa puissance sous le nom d’Atlantica et rentre de ce fait directement en concurrence avec la puissance anglaise alors impératrice des océans : aventures, traîtrises, batailles navales faisant passer l’opération Overlord pour un joyeux pique-nique de Lego, "Age Of Steam" ambitionne d’emmener l’auditeur au bout du monde sur le pont d’un navire céleste au milieux d’une tempête déchaînée et au son des trompettes… fallait oser !

Bon. Redescendons dans notre bonne vieille réalité pour quelques instants : une réalité souvent moins épique mais pas pour autant moins rocambolesque ! Car après avoir créé ce combo aux hymnes speedo-cavalcadants en s’étant adjoint les bons services de la guitare de Mike Terman ainsi que la basse de Karim Djemai puis avoir publié la bonne petite surprise que constituait "A City Once Divine", nos deux fondateurs Mister Tristan Harders (voix) et Nico Hauschildt (batterie) s’attaquent enfin au chapitre II sensé les couvrir de gloire à l’image de l’immortelle cité d’Atlantide. Et là, plouf ! L’enregistrement à peine commencé nos compères se retrouvent comme deux ronds de flan, à savoir sans guitare ni basse, les titulaires en poste ayant claqué la lourde (du groupe et du studio) pour vivre d’autres aventures… Débauchant à l’arrache le nommé Alex Hunzinger qui sera chargé des orchestrations (dont il se tirera fort honorablement d’ailleurs), nos Maîtres navigateurs vont malgré tout garder le cap (Tristan reprenant à lui seul les parties guitares mais aussi la basse s’il vous plaît !) vers la réalisation de cet opus riche et rythmé nous relatant la suite des péripéties de Tarion au sein d’une réalité alternative fantastique, immersive et prenante à souhait… pas mal !

C’est donc un TERRA ATLANTICA (presque) réduit à sa plus simple expression qui nous livre cet "Age Of Steam" carrément en trompe l’œil car armé de onze projectiles dont l’énergie ou les cadences d’exécution n’ont d’égal que la richesse des détails narratifs ou l’ampleur des orchestrations, le tout emmené par un vaste courant virilo-héroïque où il ne manque plus que les images animées de navires baroques et fumant s’affrontant sur des flots déchaînés ! Car c’est bien dans cette catégorie si particulière (et que certains d’entre nous chérissent par dessus tout) du Hollywood Metal que croisent les compositeurs de TERRA ATLANTICA, à l’image de prestigieux modèles tels RHAPSODY, THY MAJESTIE ou autres DARK MOOR qu’ils ne plagient pas mais dont ils s’inspirent ouvertement… Certains morceaux de "Age Of Steam" parvenant même à faire souffler le vent héroïque de l’aventure métallique absolue à l’image des très aboutis et accrocheurs "Rage Of The Atlantic War" ou encore du titre éponyme : des lignes rythmiques ciselées y côtoient des refrains catchy dont la ferveur des chœurs donne envie de couper des têtes de gobelins à la pelle tout en tapant dans le dos des frères d’armes à grands éclats de rire. Les multiples variations instrumentales parfaitement exécutées comme les accélérations / ralentissements de tempo rendent la musique de TERRA ATLANTICA réellement vivante et attrayante, le tout porté par un mix très convenable et des orchestrations qui s’intègrent parfaitement dans l’ensemble tant au niveau de leur volume que des passages où elles sont déployées. Les aficionados de double grosse caisse seront aux anges car celle-ci sévit sur la quasi-totalité des titres mais, et c’est tout l’art de la chose, sans pour autant générer d’overdose pour ceux qui comme moi redoutent qu’un jeux abusif érige un mur sonore entre la grosse caisse et le reste des instruments. Mention particulière d’ailleurs pour le jeux très fin et percutant du batteur Nico Hauschildt dans un style où la batterie se veut une colonne vertébrale très sollicitée et où elle donne en quelque sorte le ton pour chaque titre : l’intéressé me prouve une fois de plus s'il en était besoin, qu’il n’est pas nécessaire d’être célèbre pour être talentueux… et ça fait du bien !

Côté voix, l’ami Tristan, même s'il n’égale pas le coffre et les pics d’un Fabio Lione ou d’un Alfred Romero, s’en tire très honorablement, sans faire véritablement d’étincelles, mais sans pour autant que cela ne pénalise la musique ou l’histoire (qui, je le rappelle, est assez complexe…). Il est aidé en cela par des chœurs qui apportent une touche d’ampleur à point nommé (refrains) ainsi que quelques solistes en backing vocals intervenant de manière très ponctuelle. Les orchestrations classiques viennent quant à elles embellir une mise en place privilégiant les variations et les breaks, quand il ne s’agit pas d’un piano ("Mermaids’ Isle") ou d’un violon / violoncelle ("Rage Of The Atlantic War"). Bref, et tu l’auras compris cher lecteur, un tableau globalement positif et des musiciens plutôt volontaires à la manœuvre qui fournissent un album très cohérent et qui, cerise sur le gâteau, n’exclue pas quelques moments de grâce héroïque qui donnent des ailes…

… les ailes, voire l’envie de s’envoler, qui font néanmoins un tantinet défaut sur l’ensemble de la durée de l’album dont la plupart des titres, sans être médiocres, ont une petite tendance à sortir d’un moule identique tant au niveau de l’esprit que de la forme. Il est vrai que le style même du Holywood Metal tient dans des incontournables du type "intro symphonique – couplet sur les chapeaux de roues à double grosse caisse – refrain à l’hymne fédérateur – bridge instrumental / orchestrations – petit solo sympathique – fin avec thème mélodique vivifiant et chœurs en boucle" : les mordus du genre fermeront les yeux de contentement en se mordillant la lèvre mais les autres, après écoute de trois ou quatre cartouches du même acabit, auront peut être envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est meilleure. Difficile dilemme consistant à savoir si l’on joue de la musique pour son seul public d’enragés ou si l’on tente d’y entraîner de nouvelles recrues. TERRA ATLANTICA n’étant ni le plus ancien ni le plus technique sur ce créneau, et malgré le fait que j’ai particulièrement apprécié les titres déjà cités, ce sympathique combo ne m’a cependant pas convaincu de l’absolue nécessité que j’adhère à sa musique, à son histoire… et à son œuvre.

La bonne nouvelle, c’est quand même qu’au sortir de cet enregistrement ô combien périlleux, nos deux loustics symphonico-militants trouveront de nouveaux comparses afin de faire caracoler les rythmiques ainsi qu’une basse capable de suivre la double grosse caisse en les personnes de Frederik Akkermann et Julian Prüfer qui viendront renflouer le combo. TERRA ATLANTICA sort donc son épingle du jeu en proposant avec "Age Of Steam" un album qui, s'il fait irrémédiablement penser aux poids lourds du secteur, propose néanmoins une musique riche et très dynamique, dont certains morceaux laissent envisager de beaux espoirs pour la poursuite d’une carrière qu’on leur souhaite carrossée comme un trois-mâts.

M’étant péniblement hissé sur le pont du grand navire céleste, orgueil de la flotte d’Atlantica, le "Avenging Narwhal", j’observe l’homme qu’est devenu Tarion s’éloigner sur une chaloupe pour rejoindre sa bien-aimée la douce Layane sur l’île des Sirènes d’où elle protège la cité éternelle à l’aide de ses pouvoirs magiques… J’en profite pour graver dans le bois du mât principal un joli 3/5 pour ce "Age Of Steam", qui faute de m’avoir pleinement conquis, m’a tout de même redonné l’envie d’écouter de l’Hollywood Metal… Et Dieu sait qu’on a foutrement besoin d’une dose d’épique en ce moment !

- pour la rythmique accrocheuse et le refrain convaincant :" Age Of Steam",
- pour le fond épique et les jolies variations : "Rage Of The Atlantic War",
- pour l’intro un peu loupée qui fait penser à Pirates des Caraïbes : "Rebirth 1815".