Je ne vais pas vous mentir, j'ai cherché quantité de jeux de mots nazes pour entamer cette chronique, genre "j'te fais ça AZATH" ou "Wars AZATH", mais franchement, malgré mon haut degré de tolérance aux blagues nulles, je trouvais ça trop à chier pour vous les infliger. Bon, il se trouve que je vous les inflige de toute façon mais je fais mon autocritique d'humoriste raté par la même occasion, alors vous aurez bien l'obligeance de m'excuser. Tout ça pour vous dire que je vais vous parler d'AZATH, groupe de Death Metal américain qui a le mérite de traiter d'une œuvre encore trop peu abordée dans le Metal, la saga du "Malazan Book of the Fallen" de Steven Erikson.

Tantôt traduit "Le Livre malazéen des Glorieux Défunts" ou simplement "Le Livre des Martyrs" selon les éditions francophones - je remercie d'ailleurs à titre personnel les Éditions Leha pour la dernière traduction en date - ce cycle de dix pavés, épique comme pas possible malgré certains clichés que l'auteur tente pourtant d'éviter comme la peste, est d'une densité extrême et le foisonnement de personnages et d'intrigues qu'il renferme le rend parfois assez hermétique. En cela, AZATH a su s'inspirer de son modèle car son Death Metal bien underground n'est pas facile d'accès de prime abord. Et ce, malgré des ingrédients bien connus.

Je veux parler d'influences Thrash, tout d'abord. Car même si le rendu final est très Death Metal et très rentre-dedans (ça blaste à tout-va la plupart du temps), le riffing doit beaucoup au Thrash Metal, chez AZATH. Il suffit d'écouter "Mortal Sword", qui démarre pied au plancher avant de s'appesantir quelque peu, pour le constater : quand Andrew Lee et Brandon Corsair se décident à envoyer du riff, ils le font bien et avec efficacité. Idem pour le solide "Draconian Impalement" et le fort bien nommé "The Whirlwind", véritable petite tornade où les guitares, omniprésentes, font place nette autour d'elles. Car de tous les éléments qui composent la musique d'AZATH, ce sont ces riffs bien thrashy qui sont les plus appréciables. Tout simplement parce qu'ils apportent quelque chose de reconnaissable aux morceaux qui, sans eux, risqueraient fort de tous se ressembler.

La plupart des compos ici présentes disposent en effet, et heureusement, d'(au moins) un riff qui permet de les distinguer, y compris lorsque les guitaristes s'aventurent en terrain Black avec le riff du morceau-titre, tout en tremolo picking. D'ailleurs, ce "Through A Warren Of Shadow", du haut de ses quasiment six minutes, est peut-être la composition la plus intéressante du disque, avec ses différentes parties, ses tempi variés et son atmosphère sinistre : pour le coup, je trouve qu'AZATH est parvenu à retranscrire une partie de la crainte que l'on ressent lorsque l'un des personnages du "Livre malazéen" emprunte la Garenne de l'Ombre.

Les ambiances sombres et malfaisantes, le groupe américain sait parfaitement les cultiver, comme le soulignent bien "Pale Light" et "Worm Of Autumn". Garnis de passages lents entre les déferlantes de blast beats, ils permettent de les accentuer et de casser le côté monolithique et hermétique qui se dégage de la musique d'AZATH lorsque l'on fait tourner le disque pour la première fois. Car parmi les éléments Death Metal bien connus que j'évoquais plus haut, les blast beats, trop systématiques, et les vocaux hyper caverneux de Derek Orthner, dotés d'une belle reverb mais trop sous-mixés à mon goût, ne sont pas utilisés avec la pertinence que les compos méritent.

Le mixage, certes, ne rend pas suffisamment grâce aux efforts d'Orthner et du batteur Pierce Williams, mais la tendance de ces deux hommes à trop vouloir forcer le trait dans l'abyssal et le brutal nuit à l'équilibre que mérite le Death Metal d'AZATH. Certes, celui-ci nécessite des assauts réguliers de double-pédale, de cymbales et de caisse claire, mais pas de façon aussi fréquente et soutenue qu'ici. Et il nécessite des vocaux bien méchants, oui, mais plus audibles, moins noyés qu'ils le sont sur ce disque. Ce n'est pas de Brutal Death dont on parle sur "Through A Warren Of Shadow" mais d'un Death Metal tendance Old School, qui doit savoir ménager ses effets. Heureusement que le sens de la composition est au rendez-vous.

Car s'il est un point sur lequel AZATH ne peut être pris à défaut, c'est son sens de l'écriture. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la formation s'autorise à aller tutoyer les six minutes par deux fois, avec "Through A Warren Of Shadow" et "Shifting Forms". Mais au-delà de ces deux titres, tous les morceaux de cet album sont cohérents en termes de structure : le quartette sait quand calmer le jeu et quand accélérer de nouveau, même si, quand il accélère, c'est avec un peu trop de virulence, cf. les fameux blast beats trop récurrents de Williams. Ce savoir-faire dans la composition et la qualité du riffing suffisent à faire de ce premier album d'AZATH un disque légèrement au-dessus de la moyenne des trop nombreuses galettes de Death Metal qui paraissent chaque année. Néanmoins, il reste du taf à AZATH s'il veut nous proposer un album à la hauteur du matériau monumental dont il s'inspire, car l'œuvre littéraire de Steven Erikson ne souffre pas l'à peu près.