Recueillement.
L’heure n’est plus à la violence. Avec MYRKUR, elle ne l’a jamais vraiment été. On efface ce que l’on sait, on déshabille tout l’artifice autour du projet, la panoplie de riffs fades, les ombres saturées et ce growl trafiqué. L’heure est au recueillement, un concert dans le mausolée que constitue le musée Vigeland, public assis et ambiance tamisée.

MYRKUR n’a jamais été que très pauvrement Black Metal. Son premier album n’aura pu réellement imposer une vision d’artiste digne d’intérêt, et ce malgré une formule qui donnait à rêver. Le talent était ailleurs. Dans cette voix qui peinait à se trouver un cri d’envergure, mais qui n’avait besoin, pour prendre son envol, que de la lueur d’une bougie, de la reverb’ naturelle d’un lieu intimiste, d’instruments à cordes discrets et d’un chœur jouant comme un simple dédoublement d’un organe vocal cristallin d’une incroyable force. Si "M" était décevant, c’est parce que le projet faisait fausse route sur un terrain où la Danoise Amalie Bruun se révélait moins à l’aise qu’on l’avait pensé. Restait encore ces morceaux acoustiques, cette voix charmeuse transportant les mélodies comme jamais une fois la distorsion coupée.

Cet EP live montre l’essence véritable et l’attrait réel du one-woman band, et le fait avec une grâce, un mystère et une tristesse splendides. Il y a là pour moi des échos de l’excellent "To Drive The Cold Winter Away" de LOREENA MC KENNITT, également enregistré avec une acoustique naturelle, et enveloppant des berceuses attristées dans un cocon hors du temps.

Le piano tantôt doux et harmonieux, tantôt tapageur, recrée tout en subtilité les variations du mouvementé "Jeg Er Guden, I Er Tjenerne" (qui fonctionne bien mieux qu’avec la distorsion post-moche de "M"… mais vous avez pigé mon avis là-dessus). L’arpège acoustique de "Onde Børn" peint avec délicatesse les contours normalement plus rugissants de la version album. "Den Lille Piges Død" (qui était, à l’époque de sa sortie, le titre le plus solide qui avait pour moi créé l’attente), semble davantage s’étirer en longueur comme sa cassure black metal ne trouve pas de transposition plus convaincante (même s’il est une nouvelle fois difficile de ne pas tomber sous le charme).

Les autres titres étant déjà acoustiques sur album, la surprise sera moindre tant la réplication est exacte, mais leur enchaînement tout en douceur ne rendra pas l'expérience moins enchanteresse. Le seul petit bémol étant peut-être le manque d’une montée subtile des chœurs sur la fin de l’incroyable reprise de "Songs To Hall Up High" de BATHORY. Comme j’aurais aimé que ce titre soit le point d’orgue de ce live...

La matière vient à manquer lorsque les 30 minutes se meublent par des titres servant davantage d’intros dans les opus originaux ("Vølvens Spådom" ou "Frosne Vind" ont un intérêt bien limité). On reste forcément sur sa faim, tant l’on pouvait attendre plus. Des réadaptations des titres les plus violents auraient été les bienvenues, et aurait démontré une réelle qualité d'adaptation, peut-être quelques autres reprises du même acabit que "Songs To Hall Up High", ou de berceuses du patrimoine scandinave de la même nature que le "Byssan Lull" d'Evert Taube… ou pourquoi pas des compositions originales. Sa matière première venant à manquer pour remplir au moins le minimum syndical de 45 minutes de show, on ne peut que rester frustrer que MYRKUR ne nous ait pas réservé une seule surprise pour que sa prestation gagne en consistance.

On déplore donc le peu de prise de risque et de générosité, mais on salue tout de même un excellent moment passé avec une artiste simplement talentueuse. L'album singulier et unique que j'avais jusque là attendu du projet.