Le chemin parcouru par TODTGELICHTER depuis "Was Bleibt…" est énorme : d'un groupe de Black Metal qui n'était pas sans rappeler A FOREST OF STARS, il a progressivement mué pour devenir un groupe d'Avant-garde à chanteuse, avec tous les avantages et défauts que cela engendre. "Angst" respectait encore une certaine balance entre chant Black et chant lyrique féminin ; "Apnoe" a vu Marta prendre une position encore plus proéminente ; mais c'est sur "Rooms" que la transition s'est achevée, avec le départ deux ans plus tôt du dernier chanteur à part entière masculin, Tobias. Il ne reste donc que les backing vocals de Frederic, qui complètent les performances vocales de Marta, pour essayer de maintenir le groupe sur ses anciennes terres avec sa voix écorchée.

Il en résulte donc que TODTGELICHTER repose désormais sur du chant clair féminin, ce qui a une incidence directe sur l'atmosphère du disque : exit le Black Metal et ses obscures fumeroles, bienvenu dans le monde bien propre et mesuré du Prog. Marta chante bien, là n'est pas le souci ; mais il faut avouer que ce qui faisait tout le charme de "Schemen" ou même d'"Angst" s'est évaporé pour ne laisser que quelques traces encore perceptibles ci et là. L'album est très mélodique, assez varié, mais il lui manque le grain de folie qui auparavant tirait le groupe vers l'Avant-garde, grain de folie qui se percevait énormément dans les passages de chant Black. Je doute d'ailleurs qu'il soit encore pleinement approprié de parler d'Avant-garde pour qualifier TODTGELICHTER, d'où ma qualification de Prog : les constructions sont certes complexes, mais difficile de parler d'expérimentation ou d'innovation ici ; il s'agit plutôt de composition réfléchie et d'instrumentation travaillée, un peu à la NE OBLIVISCARIS.

"Rooms" est donc un disque qui s'inscrit dans la lignée d'"Apnoe", misant sur le talent d'exécution de ses membres pour prendre forme. C'est bien fait, bien calculé, mais un peu froid ; l'album souffre d'un manque d'expressivité qui prétérite sa capacité à captiver l'auditeur par moment, comme sur les très mous "Lost" ou "Necromant", ce qui lui est assez dommageable. On alterne de bons passages avec d'autres plus faibles – "Shinigami" en est une bonne illustration, avec un début laborieux mais une excellente deuxième moitié – avec pour résultat de n'être que moyen là où "Angst" parvenait à être très bon. Il y a des éléments très convaincants – entre autres "Zuflucht", qui renoue avec les origines Black du groupe, ou encore "Schrein", assez original dans son style – mais ils se trouvent noyés dans une masse musicale de qualité acceptable, mais pas transcendante. Les riffs sont souvent un peu plats, ni vraiment Black, ni vraiment progressifs ou avant-gardistes ; pas mauvais, mais trop impersonnels. L'album est également trop calme : l'aspect mélodique prend trop le pas sur l'efficacité des riffs et adoucit les chansons au-delà de ce qu'il serait souhaitable pour un tel groupe, et le résultat manque ainsi de piquant.

Malgré tous les défauts soulignés ci-dessus, il est dur de ne pas tout de même apprécier ce "Rooms". S'il y a beaucoup à redire, c'est parce que TODTGELICHTER a produit de très bonnes choses par le passé et qu'il a mis la barre assez haut en termes qualitatifs. Les musiciens sont bons, le son est propre, les compositions peu répétitives ; sur le papier, tout pour plaire. Mais réappliquer approximativement la recette d'"Apnoe" ne suffit pas pour arriver au même degré de réussite que ce dernier – quoique celui-ci n'arrivait déjà pas au même niveau qu'"Angst". Au final, "Rooms" est correct, très professionnel mais trop inégal et pas assez inspiré pour vraiment plaire : en trois mots, c'est un excellent album moyen. Mais moyen quand même, d'où une note plutôt sévère ; qui aime bien, châtie bien, que voulez-vous !