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AVANT-GARDE GOTHIC METAL  |  STUDIO

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ALBUMS STUDIO

2005 1 France
2016 1 L'Envers

COMPILATIONS

2012 Décade(Nt)
 

- Style : Misanthrope, Type O Negative
- Membre : Ataraxie, Öxxö Xööx, Melted Space

WORMFOOD - L'envers (2016)
Par PERE FRANSOUA le 7 Novembre 2016          Consultée 3956 fois

WORMFOOD s'est délité après la publication de "Posthume". Remonté à Paris par son chanteur Emmanuel Lévy avec un nouveau line-up, l'entité française renaît de ses cendres avec "L'Envers", disque foisonnant à la dimension cinématographique prenante, support idéal pour des contes sinistres déclamés en français.
Si mon avis sur l'œuvre a beaucoup évolué au fil des écoutes, je peux livrer un constat immédiat : on tient là un des plus beaux disques de Metal en français, voire de Metal français tout court.

Le passé douloureux du groupe est évoqué sur "Mangevers", étrange texte en forme de bilan. Lévy y aborde la séparation du line-up rouennais, évoque les personnages tordus de "Miroir de Chair" et du "Vieux Pédophile" (pièces maîtresses du brutal et bordélique "France") pour terminer sur le noir et Rock "Posthume", ultime disque avant le split, hanté par la rupture amoureuse acide.
En véritable "sombre héros de l'amer", Lévy, seul rescapé du naufrage et désormais seul maître à bord, accueil tous ces fantômes aux cœurs lourds, ces obsessions romantiques et ses délires macabres pour un voyage créatif au bout de la nuit.

Les longs morceaux à tiroirs se transforment, accélèrent, ralentissent, se posent, repartent, brossant des ambiances multiples, sortes d'enchaînements de tableaux variés au sein d'une même thème-titre. Les styles s’alternent et copulent entre eux, Metal Gothique entraînant, Doom pesant, paysages symphoniques fantomatiques, Rock et chanson française torturée, et même quelques lambeaux de Metal Extrême. Les ambiances sont variées mais toujours sombres et lugubres.
Une des grandes réussites du disque sont ces passages orchestraux simples mais parfaitement efficaces, évitant les écueils habituels du clavier cheap qui décrédibilise ou de l'orchestration pompeuse (leur place idéale fait qu'ils ne prennent jamais le pas sur le reste.) L'orgue funeste, les chœurs gothiques où les cordes tristes brossent des paysages sonores hantés à la façon d'une bande-son d'un conte cruel. S'ils accompagnent adéquatement les guitares, les claviers de Pierre Le Pape (MELTED SPACE) peuvent par eux seuls façonner des ambiances gothiques à la Danny Elfman, comme ce break très réussi sur "Serviteurs Du Roi" qui invoque tous les fantômes d'un Versailles décadent, on peut voir le tourbillon d'âmes torturées, feux-follets extirpé du passé dansant dans le ciel nocturne.

S'il fallait faire la fine bouche je dirais que je suis un peu moins satisfait avec les guitares et la batterie qui souffrent d'un traitement inégal. Si le son de la batterie est acceptable et le jeu tout à fait bon sur les parties aux tempi moyens et lents, les quelques passages rapides sont moins convaincants (début de "Serviteur Du Roi", fin de "Géhenne".) Vu le niveau de Thomas Jacquelin alias Isarnos (qui a démontré ses talents chez ANUS MUNDI, VINTERGEIST ou REGIMENT) on aurait aimé des parties rapides plus explosives, et pourquoi pas plus nombreuses. De même les guitares se noient dans le mix lors des rares accélérations d’Extrême Sympho. D’une manière générale les passages fous et violents de "France", parfois quasiment Thrash, ont disparu. C’est dommage car ils apportaient une diversité supplémentaire et une dangerosité pertinente.
Les guitares de Renaud Fauconnier (ABSTRUSA UNDE) remplissent néanmoins leur rôle d'accompagnatrice des textes et ambiances, pourvoyeuses de rythmiques efficaces et presque musclées, même si on les aurait aimé encore plus grosses et plus mordantes, en particulier dans les moments les plus Doom. On ne peut donc pas crier au scandale, on sera juste un peu gêné aux entournures par cette volonté de garder les guitares à un niveau trop raisonnable (afin de laisser suffisamment de place à la voix).

Parmi toutes les sensibilités qu'aborde le disque on note un goût pour un Metal Gothique totalement inspiré par TYPE O NEGATIVE, dont Lévy est un fervent admirateur. On peut d'ailleurs se demander pourquoi un groupe avec une personnalité aussi forte, jouant avec les styles pour créer le sien, propose des passages qui sont beaucoup trop proches de l'original, à tel point qu'on se dit qu'il ne manque pas grand-chose pour s'y croire (peut-être plus de reverb’ sur les guitares et la voix unique du très regretté Peter Steele.)
L'imitation des New Yorkais est totale sur le titre-hommage " Gone On The Hoist (G.O.T.H.)", qui dénote totalement avec le reste du disque : structure classique (couplet-refrain), chant en anglais, ambiance presque légère. L’ami Paul Bento (CARNIVORE, ex-TYPE O NEGATIVE) vient gratifier le titre d’un sitar qui associé à l’orgue Hammond joué par le producteur Axel Wursthorn (l’homme-orchestre du mythique CARNIVAL IN COAL) donne une touche Rock Psyché 70s sympa et fraîche.

Les textes ont bien entendu une importance capitale, la musique servant avant tout de bande-son aux histoires macabres interprétés par Emmanuel "El Worm" Lévy, principalement narrés et parfois chantés, renforçant le côté conte cruel Tim BURTONnesque en plus glauque et plus réaliste. Si l'on connaissait les talents de chanteur du monsieur, notamment grâce à "Posthume", on découvre ses talents de conteur associé à une voix d'acteur parfaitement maîtrisé (le bonhomme est comédien et doubleur), modulant à loisir son timbre grave et expressif, et glissant subtilement de la narration au chant. Ses différentes voix sont mixées très en avant et sont donc parfaitement audibles, fait rare dans le Metal, on se rapproche donc plus des critères du conte, voire de la Chanson française. L'absence de growl ne se fait pas trop sentir grâce à l'omniprésence d'une voix narrée, théâtrale, grave, sinistre et vicieuse, très agréable à écouter, une sorte de Vincent Price à la Comédie Française.

Les paroles sont plutôt bien écrites, avec quelques fulgurances littéraires et bonnes idées, dont voici un exemple particulièrement jouissif : "La Maréchale Faucheuse/Moissonne sur les murs/Récolte au champ d’horreur/Les seins gorgés d’obscur sous les essaims d’obus" (sur "Ordre De Mobilisation Générale"). Nous ne sommes pas non plus dans la poésie, la rythmique de la langue n'étant pas cruciale et les rimes étant rares, la prose est décidément à ranger du côté du conte.

En matière de Metal sombre chanté en français, il y a deux références, le Death Mélo de MISANTHROPE, et la Black A.O.C de PESTE NOIRE.
On aurait pu croire à la première écoute de "Serviteur Du Roi", titre d'ouverture luxuriant qui déboule (après une intro narrative sans musique) avec une sérieuse envie d'en mettre plein les yeux, que l'auteur allait abuser verbalement tout en se vautrant dans un monarchisme élitiste. Bien au contraire, l'excès de vocabulaire (du genre "Écorchée dans le sel sous l’astre du malheur/Et dont on tend les squames écailleux/En guise de chapiteau") se déguste comme une fantaisie jouant avec les références et les fantômes d'une Cour imaginaire.
Intelligemment Lévy passe donc entre Charybde et Scylla, évitant les travers des textes inutilement pompeux de S.A.S de l'Argilière ou de ceux plus libres et Punk mais désespérément politiques de Famine. Il nous prouve qu'on peut écrire dans un français soutenu et littéraire sans être lourd ou nationaliste.

Les sujets grand-guignolesques ne manquent pas mais ils sont traités avec plus de nuances et de douce fantaisie que sur "France". Le théâtre des vampires de "Géhenne" se veut une version fantastique et exagérée des relations sadiques et perverses qui peuvent exister entre metteur en scène et acteur. De même en suivant l'histoire du point de vue de son narrateur sur "Collectionneur De Poupées", le dingue qui déterre et conserve les enfants morts durant les nuits de Noël peut être jugé à l'éclairage de ses propres valeurs tordues, "Une simple collection/De poupées de chiffon/Il n’y a rien de mal/il n’y a rien de sale" nous explique-t-il plaintivement à la fin du morceau.
Les thématiques des contes cruels et fantastiques peuvent également évoquer des sujets très concrets, comme la guerre de 14-18 sur "Ordre de mobilisation générale", sans doute le morceau le plus abouti de l'album. Les transitions sont fort harmonieuses dans cette histoire à la musique aussi pesante que le sujet où l'on suit les états d'âme d'un homme avant son premier assaut, entre la peur, la résignation face à l'injustice, la galvanisation et la mort absurde.
L'album se conclut avec une ode amoureuse tordue pour une femme obsédante et venimeuse, "Poisonne", qui lui fait plus de mal que de bien, mais donne le prétexte à une excellente chanson, entre la noirceur étouffante d'un ALAIN BASHUNG sur "l’Imprudence", les rythmiques Goth aussi catchy qu'un "My Girlfriend's Girlfriend" ou les relents d'un Doom fataliste. Le beau texte sentant bon le vécu nous gratifie de passages inspirés : "Poisonne, tu lis entre les lignes/Tu aimes lorsque je parle de toi/Remplis ma coupe d’herbe aux vers/Et cauchemardons une ultime fois".

"L'Envers" intrigue dès la première écoute et excite le sens critique. On est toujours plus tatillon et exigeant envers des groupes de son pays, surtout quand les textes sont immédiatement intelligibles (car dans la langue natale). Les écoutes assidues se suivent et n’usent pas l’œuvre qui au contraire se révèle de plus en plus. Je me suis rendu à l’évidence que les choix effectués par le groupe sont judicieux et équilibrés. On espère qu’une suite verra le jour bientôt et viendra prolonger le plaisir et enfoncer le clou.

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   PERE FRANSOUA

 
   CHAPOUK

 
   (2 chroniques)



- Emmanuel 'el Worm' Lévy (vocaux, guitares)
- Renaud Fauconnier (guitare)
- Vincent Liard (basse)
- Thomas Jacquelin (batterie)
- Pierre Le Pape (claviers)


1. Prologue
2. Serviteur Du Roi
3. Ordre De Mobilisation Générale
4. Mangevers
5. Gone On The Hoist (g.o.t.h.)
6. Collectionneur De Poupées
7. Géhenne
8. Poisonne



             



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