Pris entre un "Pulver" ayant la fraîcheur et la franchise de la jeunesse et un "Konkurs" ayant bénéficié du gain de maturité musicale du groupe, "Erotik" m'a toujours paru manquer quelque peu d'arguments pour se démarquer de ses deux frères. Ce puîné fait office de transition entre des débuts prometteurs, mais un peu légers du point de vue de la variété des compositions, et une suite en apothéose, qui fait montre de la pleine mesure des capacités de LIFELOVER ; il s'agit là d'une place peu enviable, car l'on ne peut se targuer des atouts ni de l'un, ni de l'autre. Attention, "Erotik" est un album relativement agréable malgré tout (rien à voir avec "Sjukdom") ; il lui aurait juste fallu une identité plus singulière.

Entrons plus dans le détail du disque. La qualité d'enregistrement a été légèrement améliorée par rapport au précédent opus et laisse plus à penser que son aspect brouillé, ici mieux maîtrisé, est dû à une volonté artistique plutôt qu'à un manque de moyens. Le son des guitares est corrosif, la voix éreintée, les claviers ponctuent de quelques notes douloureuses l'ensemble ; une formule gagnante qui donne tout son charme au groupe. De nombreux échantillons sonores ont également été utilisés pour accentuer la folie émanant de cette musique oppressante, macabres parodies d'instants de joie ou reflets putrides de nos existences aliénées par la modernité. L'atmosphère qui se dégage du tout est fiévreuse, malsaine, désespérée ; la vie ne semble avoir plus aucune forme d'importance lorsque l'on est plongé dans ce monde de tristesse et de solitude.

Mais l'album peine tout de même à convaincre. Les tempi des chansons restent modérés tout au long de la cinquantaine de minutes du disque, ce qui est dommage car accentue la tendance à la monotonie qui caractérise "Erotik" : en effet, les riffs s'enchaînent, les titres également, mais ils lassent rapidement de par leur manque de différentiation. De plus, toutes les pistes ne sont musicalement pas égales : certaines, telles "I Love (to Hurt) You", "Välkommen Till Pulvercity" ou "Museum Of Past Affections" se démarquent légèrement du lot grâce à des mélodies et des atmosphères plus travaillées que sur d'autres comme "Sweet Illness Of Mine" ou "En Man In Sina Sämsta år". En conséquence, l'on a souvent l'impression de réécouter plusieurs fois la même chose sous des noms différents, avec plus ou moins d'intérêt selon s'il y a un petit élément plus accrocheur à un endroit ou un autre.

Il y a certes de très bonnes intentions, mais elles ne se réalisent que partiellement, sans développer tout leur potentiel. Les chansons qui convainquent finalement le plus sont celles qui sortent de l'ordinaire, comme "Saltvatten (Du + jag vs. Tellus)", une sorte d'instrumental d'ambiance où les paroles sont marmonnées au travers d'une brume alcoolisée, ce qui reflète bien mieux la démence qui possède LIFELOVER que les autres titres plus traditionnels qui composent l'opus. "Nitlott" est réussi lui aussi, quoique un peu longuet sur la fin ; quelques minutes auraient pu aisément en être amputées.

En résumé, "Erotik" est le maillon faible entre "Puler" et "Konkurs". Il n'est ni très inspirant, ni très inspiré. Il est trop standard, trop prévisible, et manque cruellement d'identité. Bien qu'il contienne de bons éléments, il n'avance pas et se répète fréquemment, ayant trop peur d'explorer plus loin ce vaste territoire qui lui ouvre ses portes. Il faudra donc attendre son successeur pour enfin voir LIFELOVER au sommet de son art, avec un chef-d'œuvre immortel qui aura laissé son empreinte dans le monde du Black dépressif.