Après avoir tutoyé les cieux du Doom Metal avec "Veronika Decides To Die", SATURNUS est enfin de retour en 2012 avec un quatrième album à la lourde tâche : succéder à un chef-d'œuvre musical sans en rester dans l'ombre majestueuse. Et, ce malgré la difficulté du défi, le groupe a su mûrir et s'épanouir pour mieux composer ce nouvel opus qui, s'il reste indubitablement inscrit dans la ligne créatrice de ses prédécesseurs, offre une substance originale et délectable dont l'oreille avertie en saura apprécier la saveur délicate.

Si le cœur de SATURNUS, soit son chanteur Thomas A. G. Nielson, est resté le même que sur "Veronika", la chair du groupe a changé de morphologie suite au changement complet de ses membres ; du sang neuf pour un album qui se soit d'avoir son identité propre, voilà qui semble de bon augure. Et, en effet, le résultat final a été qualitativement au rendez-vous : de nouvelles couleurs, de nouvelles textures, mais toujours cette même base musicale lyrique et intense qui caractérise la formation danoise depuis ses débuts. Un Doom distingué, lorgnant vers le Gothic quant à son esthétique, non pas alambiqué mais bien structuré… pas de doute, l'on peut constater dès les premières notes de "Litany Of Rain" que SATURNUS est toujours capable d'exceller dans son domaine, six ans après son précédent opus.

Tout commence par un Agnus Dei récité par un cœur féminin aux accents divins qui plonge d'emblée l'auditeur dans une atmosphère empreinte de grandeur et de tristesse ; puis, soudainement, le chant vibrant des guitares électriques se fait entendre, imposant et mélancolique, porteur du poids écrasant des maux des âmes meurtries ; enfin, sa voix grondant comme le tonnerre, Thomas Nielson entonne sa litanie sous la pluie battante, liant les mélodies célestes des anges aux souffrances terrestres des Hommes.

Un départ grandiose qui promet une suite qui ne l'est pas moins : "Wind Torn" est beau et lumineux ; "A Father's Providence" révèle la sombre colère intérieure du groupe avec maestria ; "Call Of The Raven Moon" est doux, poétique, mais hanté par les regrets : une merveille. La part belle est faite aux soli de guitares, ascensions vers des cieux où règnent mélodicité et émotions exacerbées, sublimes passages instrumentaux aux teintes d'or et de pourpre. Des claviers font également leur apparition, créant ainsi quelques accalmies au milieu des torrents de cordes saturées.

Il y aurait bien un bémol à ajouter, tout de même : "A Lonely Passage" est un titre dispensable qui peine à s'inscrire dans le cours suivi par les autres chansons de l'album. Un peu trop simpliste, sans réel but, il n'aurait pas figuré sur le disque que le reste de l'opus ne s'en serait que mieux porté. Et ces cœurs ô combien agaçants en arrière-plan… "Saturn In Ascension" est déjà assez long comme ça, il n'était nul besoin d'ajouter inutilement un morceau aussi fade que celui-là.

Du grand Doom sans aucun doute, ce quatrième album de SATURNUS fait montre de plus de maturité que le précédent : moins impétueux, il semble moins se rebeller face à l’injustice de son destin que "Veronika Decides To Die", qui se laissait plus envahir par la hargne de ses sentiments. Non pas qu’il se résigne, mais plutôt qu’il accepte son impuissance face à ce qu’il ne peut maîtriser : le passé, la mort, le destin des Hommes… Cela est globalement agréable et contribue à différencier ces deux opéras, mais on apprécierait parfois un peu plus de fougue, de poigne, afin de plus diversifier les émotions véhiculées par la musique.

Que dire en conclusion ? Que SATURNUS est toujours bien vivant, toujours prêt à nous émouvoir avec ses mélodies cristallines et éthérées, ses riffs puissants, ses textes au désarroi si palpable… Une réussite de plus pour un groupe qui mérite toute l’attention de l’amateur de Doom mélancolique et poétique.