La facilité, c'est dire des trucs du genre : ohlala, les CODE ORANGE KIDS ont bien grandi et sont devenus tellement matures qu'ils ont bien fait de se renommer CODE ORANGE. Eh bien oui, contrairement à moi, CODE ORANGE KIDS n'a pas cédé à la facilité, ils se sont définitivement enfoncés dans les méandres d'un Hardcore étrange, qu'on pourrait nommer Mathcore, même si cet album repose plus sur l'aspect bizarrerie et mélange des genres que sur l'aspect complexité technique. La pochette de l'album est un premier indice, ce disque est une allégorie de la folie, ce qui rassure parce qu'avec un titre comme "I Am King" on pouvait légitimement penser que les chevilles de COK avaient bien enflé. Ensuite second indice, le disque est sorti sur Deathwish Inc, annonciateur de musique torturée puisque ce n'est rien moins que le label de Kurt Ballou de CONVERGE. Et effectivement le Hardcore chaotique de "I Am King" ne déçoit pas, il nous montre que :

Le Black n'a pas le monopole de la noirceur, rien qu'à travers les deux premières pistes, on est plongé jusqu'au cou dans des atmosphères malsaines. Et si "Dream In Inertia" est toute mignonne, c'est juste pour mieux nous enfoncer dans des abysses obscurs de démence via les morceaux suivants. J'ai envie de dire : merde, mais il n'y a rien de positif dans cet album ! Pas une seule sonorité guillerette, c'est… absolument fantastique, j'adore. Et à la noirceur se joint le chaos, la dissonance des mélodies sur les rythmes effrénés Hardcore font qu'au mieux on est dans le registre de la mélancolie, au pire on est dans celui de la folie pure.

Le groupe a su intégrer la lourdeur du Sludge, d'autant plus que ceci pourra servir les propos sombres du disque. De nombreux passages lents et écrasants sont assenés par COK au détour d'un break, servi par une guitare aussi grasse et sale que du cambouis, ainsi que par une basse vrombissante très bien amplifiée. Ces passages sont vraiment au cœur des morceaux, répondent aux accélérations et aux riffs dissonants aigus par des sons pesants et mécaniques, ce qui m'amène à la facette industrielle du CD.

Eh bien oui, il est possible d'associer un peu d'indus au Hardcore, ça fait vraiment sens ici, surtout que je parle de la face obscure de l'indus, celui de FEAR FACTORY par exemple. Ces sons d'usine, de sirènes d'alarme, accentuent d'avantage, si c'est possible, l'angoisse dégagée par l'album. On est toujours plus oppressé quand quelque chose d'effrayant devient systématique, et quoi de mieux que l'indus pour symboliser l'automatisme. Donc en plus de nous écraser par les martèlements de la batterie, CODE ORANGE se la joue un brin bruitiste et nous assène des murs de son, le second effet kisscool...

Voilà de quoi est composé le Mathcore de "I Am King", ce qui est très malin c'est que ce cocktail permet, sans prouesse éblouissante, d'aliéner l'auditeur durant une bonne demi-heure en lui transmettant les émotions les plus noires, façon Ford. A l'écoute de cet album, j'imagine être un fou, enfermé dans un asile robotisé, n'est-ce pas délicieux d'être autant transporté par de la musique ? Les voix qui se répondent, entre hurlements aigus du batteur, growls profonds et chuchotements du guitariste, rendent complètement schizophrénique. Heureusement que pour plus de structure, le coté nerveux du Hardcore est très présent et nous ramène vers une folie douce durant les rythmes réguliers. Parce que sans ça ce ne serait que délire complet durant les parties dissonantes. En terme de ressenti je rapprocherais cet album de "Nucleus" d'ANEKDOTEN, et de "Inner Pond" de WE INSIST! pour l'ambiance malsaine qu'il dégage, et ce malgré la différence profonde de genre.

Coté production, on remerciera Kurt Ballou, qui sait faire noisy sans être brouillon et qui comme toujours donne ce son cru, assez caractéristique des groupes étant passés par Deathwish Inc.

Je suis vraiment intrigué par les voies que prend le Hardcore aujourd'hui, entre Pop/Electro d'un côté et Chaos de l'autre, ce dernier m'intéressant le plus et COK aussi visiblement. J'étais certain qu'il y avait vraiment matière à creuser dans cette voie, cet album monstrueux en est la preuve, j'ai déjà hate d'entendre la suite.