Alors qu’en termes de ‘Nouveautés’ mes dernières contributions à la base de données NiMEiennes s’axaient principalement (exclusivement ?) sur des groupes aux forts relents Doom, il était grand temps d’aborder 2014 avec davantage de nuances dans le propos. Avec un choix de diatribe se portant ainsi sur "Fire Meets Ice", le récent et quatrième opus de EREB ALTOR, le risque reste toutefois mesuré étant donné que, même si il est ici question de Viking Metal, le groupe demeure néanmoins la botte fermement plantée dans le terreau Doom qui l’a vu pousser ses premiers vagissements. Rien de très surprenant à cela me direz-vous, vu qu’à la base de ce trio suédois nous retrouvons Daniel Bryntse, Crister Olsson et Jonas Lindström (Ragnar, Mats et Tord, pour les intimes) qui ne vous seront peut-être pas inconnus puisque officiant également au sein de ISOLE, formation Doom (aux réminiscences tantôt Death, tantôt Trad’) de son état, dont nous vous avons déjà touché quelques mots.

EREB ALTOR ne doit d’ailleurs son existence qu’à la volonté de ces types d’avoir voulu continuer à expérimenter ces sonorités plus ‘Folk’, dont l’on pouvait déjà discerner quelques prémices sur les différentes démos de FORLORN, la première mouture de ISOLE. C’est ainsi que la formation originelle s’est vu scindée en deux entités distinctes il y a une bonne dizaine d’années maintenant : la première, ISOLE, destinée à étancher cette soif de mornes et sombres ambiances, tandis que la seconde, EREB ALTOR, sert d’exutoire pour se lâcher sur les atmosphères viking et les hymnes païens. Vous me suivez ?

Bref, ça, c’est sur la partition, car les trois précédents opus du groupe sont là pour souligner que cette parenté avec ISOLE n’est pas fortuite. Tellement peu, qu’à de nombreux moments, dès lors que de lourds nuages, s’amoncelant à l’horizon, viennent obscurcir le ciel, on jurerait écouter des riffs dignes de cet illustre parent. Et ce "Fire Meets Ice" ne saurait déroger à la règle, vous voilà prévenus ! Mieux, il viendra à coup sûr enrichir l’œuvre de notre trio suédois de sa propre quintessence Doom. Les délicates notes de piano d’ouverture de la longue pièce éponyme d’introduction ne semblent d’ailleurs être là que pour mieux leurrer l’auditeur. D’emblée, les guitares se veulent lourdes, pesantes et fatalistes. Nulle échappatoire pour le guerrier traqué et égaré. Ces riffs caractéristiques (le sans équivoque "Our Legacy", idéalement placé en clôture), ces refrains ("The Chosen Ones", "Sacrifice"), se trouveront intelligemment disséminés tout du long de l’opus, suffisamment en tout cas pour que ne vienne poindre la désagréable impression d’écouter un clone d’ISOLE.

Pour être franc, cette tournure de Black Viking, sale et boueuse, n’est pas forcément pour me déplaire, d’autant plus que EREB ALTOR ne saurait se limiter à cela. Les premières accélérations de tempo ("Nifelheim") se font tout juste sentir, que nous voilà déjà assaillis par les froides et rudes bourrasques de l’hiver scandinave. Par cette inévitable touche Pagan qui en découle, le spectre de BATHORY ne tardera guère à venir couvrir de ses noires ailes les rares et pâles rayons de ce non moins terne soleil ; ces rayons qui parvenaient déjà bien difficilement à maintenir cette si vacillante illusion de chaleur. Car vous vous douterez bien que, pour de ne pas nuire à l’homogénéité de l’œuvre, le penchant Black/Folk du groupe n’a rien de trivial… Les gars de EREB ALTOR ne sont pas du genre à courir à poil dans la toundra en vociférant leur Viking Metal burné. Aussi, nous pourrons également nous tourner vers des formations de la trempe de MOONSORROW ou de BORKNAGAR (soyons fou, pensons aussi à PRIMORDIAL) afin de se faire une idée plus honnête des pillages en devenir. Le groupe, et cela ne saurait jouer en sa défaveur, n’hésite d’ailleurs pas à élargir son champ d’actions et d’exactions, sachant tout autant emprunter des odes dignes de FALKENBACH ("The Deceiver Shall Repent"), que quelques mélodies que n’aurait pas renié un ROTTING CHRIST ("Post-Ragnarok").

Mise en valeur par cet audacieux numéro d’équilibriste nécessaire au maintien d’un bon compromis entre ces différentes facettes, il s’avère néanmoins que, brassée avec expérience, cette rencontre entre le feu des carnages Black Metal et la glace des froids paysages crépusculaires typiquement Doom, se montre très convaincante. EREB ALTOR, prend le temps de développer et de travailler ses ambiances (2 titres de plus de 8 minutes), agrémentant le tout de chants variés (clair/extrême), de grattes acoustiques et, ici et là, de piano et de nappes de claviers, pour un rendu Doom/Viking qui n’est, au final, pas dégueulasse du tout.

Moins vindicatif que "Gastrike", son aîné, et déboulant tout juste un an après ce dernier, "Fire Meets Ice" ne souffre néanmoins d’aucune faute de goût majeure. Rythmé comme il l’est, il parvient même sans mal à captiver l’auditeur du début à la fin. Très homogène, sans réel temps mort, les nordistes nous proposent sans doute là leur opus le plus abouti. Gageons qu’il suscitera l’intérêt qu’il mérite qu’il puisse, par la même occasion, filer un petit coup de pouce à la carrière du trio.

Note : 3,5/5.