Les carrières sont faites de hauts et de bas dans tous les domaines ; des moments où tout semble vous échapper, que votre corps voire votre inspiration vous abandonne et toute une série d'évènements enchaînés que la Providence a mis en place pour vous relever…

On peut ainsi résumer ce qu’a vécu Floor Jansen depuis la publication du premier opus de REVAMP et la tournée couronnée de succès effectuée en compagnie d’un EPICA alors au sommet de son art. La belle valkyrie en a trop fait, et trop déterminée, elle s’est lancée à corps perdu dans ce premier opus de MAYAN dans lequel elle occupait une place de choix autant du point de vue artistique qu’émotionnel (entourée d’autres vocalistes talentueuses, son registre puissant était particulièrement mis à contribution) ainsi que dans la composition du successeur de "ReVamp" alors même qu’elle avait déjà un nouvel opus de STAR ONE dans les gencives... Le verdict fut sans appel : au milieu de la composition et de la tournée survint le burnout à l’été 2011. Repos forcé durant des mois, on a craint le pire pour la suite de la carrière de l’ex frontwoman d’AFTER FOREVER.

Pourtant à l’automne 2012, un signe du destin. L’orage lapon. Anette Olzon est évincée non sans heurts de NIGHTWISH alors même que le groupe est en pleine tournée de promotion de l’ambitieux "Imaginaerum"… Que faire ? Appeler à la rescousse la plus talentueuse et complète des chanteuses du circuit !
Floor Jansen se retrouve catapultée au poste de vocaliste au sein du groupe qui l’a amenée au Metal à chant féminin tout comme sa compatriote Simone Simons. Et l’année 2013 est une nouvelle année faste, le public étant unanime quant à ses performances dans NIGHTWISH (la chanteuse a été intronisée officiellement au mois d’octobre 2013), la publication de "Showtime, Storytime" a déjà des allures de blockbuster qui risque de dissimuler deux autres projets d’envergure auxquels la belle apporte son talent. Un nouvel opus de MAYAN attendu pour janvier 2014 et surtout son propre deuxième opus de REVAMP qui voit le jour le 23 août 2013.

Et le burnout a des conséquences inévitables. Plus de temps pour peaufiner ce "Wild Card" mais également une influence dans les textes sous forme de trois titres sous la dénomination "Anatomy Of A Nervous Breakdown" (petite dédicace au grand Georges Lautner qui rejoint dans sa tombe le grand Michel Audiard et les frères Volfoni). REVAMP reproduit par là même le schéma du triptyque déjà employé sur l’éponyme de 2010 ("In Sickness Til Death Do Us Part"). On y trouve une Floor traumatisée, plus fragile qu’il n’y paraît, évoquant sans détour la sensation de devenir folle quand le cerveau ne veut pas se mettre en veille ou encore l’impression d’avoir été et de ne plus être rien, irradiant tout l’opus de sincérité et de sensibilité. C’est extrêmement personnel et bien retranscrit dans les notes également. De nouveau REVAMP s’est joliment entouré et après Russell Allen et Björn "Speed" Strid sur "ReVamp" c’est carrément le grand Devin Townsend qui vient apporter sa contribution à "Neurasthenia" avec le talent qu’on lui connaît. Et si l’on repère les grunts de Mark Jansen sur "Misery’s No Crime", très évocateurs du AFTER FOREVER première époque, toutes les autres parties vocales sont bien réalisées par Floor qui avait prévenu sur le site de REVAMP avoir pris des cours dans le but de développer sa technique de growl et élargir ainsi sa palette vocale. Et il faut attendre moins d’une minute trente pour écouter le résultat, "On The Sideline" proposant des parties growlées tout à fait efficaces même si on pourra regretter la débauche d’effets appliqués sur la voix, rendant cette dernière difficilement différentiable de la masse des productions Death actuelles (en particulier les voix de dragon très grossies des derniers SULPHUR AEON et FLESHGOD APOCALYPSE).

"Wild Card" est un album de chanteur… Enfin de chanteuse. Je m’explique : on sent que Floor prend un malin plaisir à utiliser toutes ses capacités dans les morceaux que ce soit le chant en délicatesse ("Nothing"), la puissance ("Wild Card"), l’approche opératique ("Distorted Lullabies", assez NIGHTWISH-ien) et le growl ("On The Sideline"). Et l'autre principal attrait de "Wild Card" : les compositions sont de bonne tenue et s’éloignent du Metal Symphonique traditionnel pour proposer une approche plus personnelle, résolument moderne, toujours mélodique mais pas typée. On se rapproche de la démarche de STREAM OF PASSION (dont le bassiste Johann Van Strantum a enregistré les parties) dans un registre plus agressif néanmoins. Le vocal a semble-t-il toujours été privilégié et quand les compositions sont béton ça marche du tonnerre ("Amendatory" l’un des titres-phares de cet opus ou encore "I Can Become" qui évoque la filiation directe avec AFTER FOREVER et son éponyme). Dans le deuxième cas, cela rentre dans une oreille et ressort par l’autre malgré la masse de détails et d’innovations tentées que ce soit au niveau sonore ou arrangement comme c’est le cas sur le très MAYAN-esque "Misery’s No Crime". Toutefois l’album n’est pas particulièrement facile d’accès non plus et les structures de morceaux et les mélanges de sonorités pourront en désorienter plus d’un. On retient davantage "Precibus" ou encore "Neurasthenia" puis "On The Sideline" et cætera.

Il manque peut-être un certain sens de l’accroche à REVAMP qui déborde d’idées mais peine à optimiser sa recette pour faire mouche à tous les coups. De plus, "Wild Card" accuse un manque d’homogénéité dommageable, sa deuxième moitié se faisant plus convaincante. Alors que le contenu textuel est plus personnel sur la première partie (le triptyque "Anatomy Of A Nervous Breakdown") Pourtant toutes les qualités sont réunies. Peut-être qu’il nous faut attendre le troisième album pour prendre la claque, ce "Wild Card" se positionnant un cran au-dessus de son prédécesseur, sans toutefois posséder un "Sweet Curse" bien catchy le rendant incontournable mais en contrepartie a le mérite d'être novateur, pas très éloigné de la démarche de ce génie de Devin Townsend.