Il y a comme quelque chose de fascinant à assister à la mutation d'un groupe, à son envol, son détachement comme télophasique des influences jusque là persistantes. Les Français de DIRGE sont bien décidés à procéder par étapes et "All Shall The Sky Descend" est le trait d'union témoin, entre les deux périodes du groupe. Un disque fort qui montre un nouveau visage.

DIRGE se lance un pari avec ce nouvel album sorti en 2004 en s'engageant dans le format quatre pistes pour une durée de plus d'une heure. De quoi faire fuir les moins courageux et mettre l'eau à la bouche de ceux dont l'adage "plus c'est long plus c'est bon" fait loi en musique. "All Shall The Sky Descend" en s'éloignant des terres bien trop marquées de NEUROSIS que l'on retrouvait sur "Blight And Vision Below A Faded Sun" garde cependant ce côté très ombragé de la musique des Américains ; ce paysage crépusculaire, poussiéreux et balayés par des vents brûlants. Vous l'aurez compris, DIRGE et le climat post-apocalyptique, on n'a pas fini d'en bouffer.

"All Shall The Sky Descend" est ambitieux, avec un tel format de musique proposé, la problématique principale reste de captiver l'auditeur tout au long de son oeuvre. Entretenant tout au long de ses morceaux un ton à la fois brumeux et rêche, le groupe arrive néanmoins à faire s'éclipser ce climat désertique pour insuffler un peu de poésie, filtrant la beauté derrière toute chose. J'en veux pour preuve la première et très longue piste (25 minutes, aurez-vous le courage ?) qui, après avoir cultivé l'acidité du remord et l'adoucissement de la bile, fait intervenir un frêle violon, laissant lui-même la place à des chœurs qui viennent se poser sur le ballottement incessant des riffs supportés par un solo tordu. La démarcation est faite, DIRGE n'est qu'aigre rancœur mêlée à cette lueur qui n'est pas ici lueur d'espoir mais belle et bien lueur vacillante de l'avenir incertain, lueur tremblotante de la lampe à huile dans l'épaves d'un paquebot désaffecté, voire même et simplement : éclair illuminant les rues et les bords de plages déserts frappés par la pluie et le froid.

Le but de "All Shall The Sky Descend" n'est pas de trouver le hit, le morceau qui frappera plus que les autres, la massue apocalyptique, mais plus d'instaurer et de faire tomber cette ambiance morne et caustique. Du genre à t'accabler plus que la normale, sans en faire tout un pataquès. Finalement, ce troisième album des Français qui commencent à avoir de la bouteille, sans proposer une musique spécialement explosive à la "Through Silver In Blood" (c'est pas le maître-étalon ?), joue plus sur les terres de la menace, du danger rampant, de la tempête absolument pas salvatrice mais fondamentalement assommante. Fracassante.


Stabbing the sky from dusk to dawn