L'inclination pour les groupes de Heavy allemand de seconde zone frise parfois la pathologie médicale pour ceux qui en souffrent. Si les noms de SCANNER, WIZARD, MAD MAX, TRANCE ou encore VIVA suscitent chez vous un émoi et un désir, vous êtes probablement atteints. Rien de véritablement gênant là-dedans, me direz-vous, si ce n'est un désagréable sentiment de préférer la margarine au beurre, les Granola aux Pepito ou le pain de mie à la baguette fraîche. La déception se fait la compagne la plus régulière de l'amateur de ces groupes, qui voit chaque nouvel espoir d'être finalement celui qui avait raison là où tous les autres avaient tort irrémédiablement réduit à néant. Et finalement, comment ne pas se sentir con à penser que VICTORY vaut bien SCORPIONS, ou que WEINHOLD écrase aisément DORO ? Non seulement c'est bien entendu faux, mais c'est également faussement élitiste. Être seul à bouffer sa merde ne vaut pas mieux que de bouffer celle des autres.

Tout ça pour en venir au cas CRYSTALLION. Le groupe, après trois albums mêlant un Heavy Metal à la fois Speed et Symphonique parus dans la deuxième moitié des années 2000, s'était confortablement installé dans le ventre-mou de la scène teutonne, à peine bousculée par un "Hattin'" inventif et inspiré. Quatre ans après sa précédente offrande, le groupe revient avec un album autoproduit qui le voit changer sa formule, puisqu'il officie désormais dans un Hard Rock bien plus direct et immédiat que ses réalisations passées. CRYSTALLION joue donc désormais du Hard Rock, mais pas n'importe lequel : un Hard Rock 80's, que le groupe interprète lui-aussi depuis les tréfonds des années 80, en atteste cette production ignoble qui donne l'étrange impression que l'album a été enregistré dans des sanitaires malodorants. Avec le riff façon « pot de yaourt » de l'introductif "Run", on a presque l'impression de sentir l'odeur repoussante de gogues peu accueillants.

Le visuel, à l'idée peu inspirée et au montage approximatif, joue finalement un rôle d'avant-goût. Là où CRYSTALLION était parvenu à se construire un petit univers sympathique, fait de narrations épiques sur fond d'une musique perfectible mais empreinte d'une sympathique sincérité, le groupe se contente désormais d'aligner des riffs, certes entraînants et bien foutus, mais aussi bandants que l'annonce d'une collaboration entre ACCEPT et Nana MOUSKOURI. Oui, il y a de la mélodie qui fonctionne, du riff qui claque et du refrain qui s'installe dans la caboche, mais l'ensemble sonne tellement périmé qu'il faut à deux fois vérifier que l'album a bien été enregistré en 2012. "Ready To Strike", "Dead On Arrival" ou "SOS" transpirent l'envie de bien faire, mais tombent à plat, rappelant de manière évidente le MICHAEL SCHENKER GROUP période Robin McAULEY, l'AXXIS première mouture, et font preuve d'un amateurisme auquel le groupe ne nous avait pas habitué. Le placement hasardeux du chant sur le morceau-titre "Killer" ne fait que confirmer ce titre constat : à défaut de changer, CRYSTALLION régresse.

Peut-être s'agit-il d'une démarche artistique parfaitement assumée, destinée à tenter de retrouver l'énergie brute et l'envie d'en découdre qui animaient les hordes de groupes teutons dans le courant des années 80. Peut-être est-ce tout simplement un plantage, ponctué par une tentative risible de proposer une power-ballad ("Change Your Heart", hommage vomitif à BONFIRE ?) et un sentiment global de gâchis. Rien de bien grave, puisque l'on s'y attendait, la longue absence du groupe et ses annonces à l'emporte-pièce ayant préfiguré ce qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un retour raté. Ça pique un peu, et puis, finalement, on s'en fout. Pathologique, non ?