AC/DC : BLACK ICE (2008)

De "Let There Be Rock" à "The Razor’s Edge", nos cinq Australiens nous ont servi une musique féroce et rageuse, avec des riffs plombés devenus légendaires, des soli épiques et des cris stridents de la part de Bon Scott et Brian Johnson. Avant cela, AC/DC n’était pas, du moins sauf quelques exceptions, un groupe de Hard/Heavy, plutôt un groupe rock n’ roll, rien d’autre, dans la plus pure lignée des Stones et des Who. Ensuite a eu lieu la grande période de décibels et de violence sonore. AC/DC fracasse le marché européen avec "Let There Be Rock", confirme son talent avec "Powerage", démontre sa puissance live avec "If You Want Blood" et perce le marché nord-américain avec "Highway To Hell". Puis, c’est "Back In Black", le disque de la consécration ultime. À partir de cet album, AC/DC est l’un des plus grands groupes de la planète. Les albums suivants sont assez controversés et sont l’objet de bien des débats. AC/DC continue tout de même de remplir les stades ici et là, de jouer devant 350 000 personnes à Rio de Janeiro un jour, 70 000 à Donington un autre. En 1991, le plus grand show Metal de l’histoire a lieu à Moscou : 1,6 millions de personnes acclament AC/DC, METALLICA, PANTERA, QUEENSRYCHE et THE BLACK CROWS. Le single "Big Gun" 2 ans plus tard marquera la fin de la grande période ard & heavy d’AC/DC, ce sera à mon avis la dernière chanson PARFAITE du groupe.

C’est que AC/DC est devenu trop gros, trop important. Le son change tranquillement et subtilement d’un album à l’autre, et le groupe délaisse peu à peu sa férocité et sa rage pour revenir, comme aux deux premiers albums, aux bases du rock n’ roll basique et très très bluesy. "Ballbreaker" et "Stiff Upper Lip" ont ouvert le chemin, "Black Ice" démontre vraiment le changement de son chez AC/DC. La première moitié de l’album est plus convaincante, même si le groupe y alterne titres fort acceptables et autres assez faibles, voire mauvais. "Rock N’ Roll Train", quoique très simple et en manque d’un vrai bon solo, est taillée pour les stades avec son refrain puissant et peut ressembler à ce qu’AC/DC fait de mieux depuis "Ballbreaker". "Skies On Fire" est lente et ennuyante au point d’être dépressive, vraiment une chanson qui n’a pas sa place sur ce disque, comme bien d’autres d’ailleurs. "Big Jack", plus rock n’ roll et enjouée, renoue avec le côté fédérateur de "Rock N’ Roll Train". Le pire titre de l’album suit : "Anything Goes", une horreur pop rock indescriptible, tout simplement mauvaise. Commerciale à souhait, elle fait selon moi honte au répertoire du groupe. La moins bonne chanson finit à peine que la meilleur enchaîne ! "War Machine" est heavy, lourde et puissante, ce n’est pas pour rien qu’elle s’est méritée un Grammy. "Smash, Grab & Take It" s’écoute bien, mais ne décolle jamais vraiment. À noter cependant un bon solo de la part d’Angus. "Spoilin’ For A Fight" et "Wheels" sont peut-être les dernières excellentes chansons de l’album et achèvent sa première moitié.

Le virage blues-rock n’ roll du groupe est très marqué sur la 9e chanson, "Decibel", carrément calquée sur du ZZ TOP, et la chanson suivante, "Stormy May Day" continue dans cette lignée. Ces deux chansons, malgré de bonnes passes de guitare ici et là, ne lèvent jamais vraiment. "She Likes Rock N’ Roll" fait un peu rehausser la barre, mais n’égale en rien les meilleures chansons de la 1ere moitié, et son refrain me paraît somme toute assez simpliste et facile. "Money Made" fait partie des morceaux tout simplement à éviter, ennuyante comme jamais. Un autre sacrilège n’attend pas l’autre sur cet album : AC/DC enchaîne avec… une ballade, eh oui. "Rock N' Roll Dream" est un morceau plein de feeling et avec un refrain muni d'une légère montée en puissance quand même efficace. La chanson n'est pas mauvaise comme telle, mais c'est le fait qu'AC/DC joue une ballade qui me trouble et me déçoit. "Rocking All The Way" rappelle beaucoup "Highway To Hell" en moins bonne, mais nous fait quand même passer un bon petit moment. "Black Ice" termine l'album du même nom de manière lamentable, aussi lente que la plupart des chansons de l'album.

Que pouvons-nous dire des musiciens et de la production maintenant ? Malcolm et Cliff sont parfaits et assurent leur travail à merveille, comme d'habitude. Phill Rudd nous livre aussi une performance solide mais le son du snare, tout au long de l'album, est bien trop mis en avant selon moi. Angus, autrefois maître des riffs endiablés et des soli déchaînés, nous offre ici, sauf exceptions, un jeu assez décevant et calme, encore plus marqué par le blues-rock qu'à l'habitude. Brian Johnson est en forme, sa voix sonne mieux que sur l'album précédent, mais il est évident qu'il a suivi des cours ou quelque chose du genre pour modifier sa façon de chanter pour justement moins hurler et plutôt avoir une voix plus "douce" (c'est relatif, on s'entend) et pleine de feeling. Cette tentative de contrôler la bête, autant sur Brian qu'Angus, représente très bien la situation d'AC/DC depuis 1995. Le son est plus accrocheur, plus bluesy, très ZZ TOP, moins féroce et nous donne donc moins l'opportunité d'headbanger à notre aise. L'album est bourré de mid-tempos ennuyants et comporte 2 chansons pop et commerciales qui n'ont rien à voir avec AC/DC. Les quelques chansons excellentes et le fait que ce soit AC/DC me forcent à donner 3/5 à cet album, qui mériterait peut-être un poil plus bas en vérité. Cet album m'a déçu et m'a fait réaliser la triste réalité : AC/DC, les Dieux qui m'ont fait découvrir le Metal, sont devenus des sellouts, ils ont été complètement bouffés par l'industrie musicale. Heureusement que les performances live sont toujours époustouflantes, parce que...