Pour celui qui avait vu en "Extreme Conditions Demand Extreme Responses" l'unique point de convergence entre ses goûts que l'on qualifiera ici de modérés et l'esprit originel du grindcore, le risque était fort de se faire broyer par le deuxième album de BRUTAL TRUTH. Il suffirait d'un rien, d'un respect plus strict des règles du genre, de l'abandon progressif de l'esprit fusionnel d'un premier opus devenu référence, de la volonté de lâcher complètement les chevaux. Le combo New-Yorkais a su concentrer en 1992 ses instincts primaires sur quelques courtes plages qu'on affublera du gentil attribut d'exotiques, ces minuscules messages intitulés "Collateral Damage" ou "Blockhead" et qui affirment l'appartenance du groupe à l'école du total brutal. Et qui préviennent d'un futur danger sonore.

Pourtant, quand on se penche sur l'ascendance de l'animal, on constate qu'aucune crainte ne méritait véritablement de croître. BRUTAL TRUTH, c'est une bonne dose de NUCLEAR ASSAULT, ce petit gang de thrasheurs crossover de la côte est souvent vu comme un sous-ANTHRAX, ce géant qui fait beaucoup d'ombre à un artiste n'ayant jamais connu la réussite de celui-ci, une ombre qui permet cependant de pousser un ouf de soulagement. Car si NUCLEAR ASSAULT ressemble un peu à ANTHRAX, il partage forcément ses envies de fusion, envies naturellement vécues sur le premier album de BRUTAL TRUTH. Et sur les suivants, non ? On ne change pas de caractère du jour au lendemain. Et pof, "Need To Control" bouillonne aussi bien des deux étiquettes death et grind que son prédécesseur.

Et encore plus que son prédécesseur, "Need To Control" se laisse affubler d'une étiquette thrashcore qui l'enrichit d'une nouvelle influence. Relevons l'ensemble d'une plus grande réflexion musicale et on obtient un disque parfaitement rassurant….pour celui a qui le 100% grindcore fait peur. Preuve ultime, le morceau le plus court du disque, le sémillant (vous avez bien lu l'adjectif) "Media Blitz", du hardcore à l'ancienne piqué chez les GERMS qui sent tout sauf la viande morte.
Plus encore qu'avant, l'artiste a ici mélangé les genres. Et qui sait, cela pourrait bien plaire à tous. Un fin mélange de toutes les chapelles du brutal qui démarre avec le pachydermique "Collapse", titre au refrain incroyablement mélodique et qui tend à prouver une nouvelle fois l'excellence d'une troupe très à l'aise dans ses baskets. Jamais totalement X ou Y, "Need To Control" a préféré utiliser le mixeur quand, sur "Extreme Conditions Demand Extreme Responses", il coupait les différents éléments de sa musique en morceaux plus ou moins gros.
Enfin, BRUTAL TRUTH met un pied dans le plat de la nouveauté, du noise indus ("Iron Lung" et "Crawlspace"), de l'extrême lourdeur doomifiante ("Ordinary Madness"), Et puis un tube("Choice Of A New Generation"). Pourquoi pas ?

Curieusement, le disque n'en est pas meilleur pour autant, la concurrence est dure et parti de très haut, BRUTAL TRUTH ne pouvait au mieux que stagner dans son excellence. C'est ça, il stagne…ou presque. Encore plus de variété dans ses influences, une véritable hybridation plus qu'un collage, l'effet de surprise en moins, quelques titres moins déterminants…
Allez, tout ça est presque aussi bien, peut-être meilleur pour certains estomacs. A chacun de décider de la hiérarchie d'une discographie qui commence bien.

- Mais au fait, le pur fan de grind, il devient quoi là-dedans ?
- Bah ma bonne dame, il va ouvrir un peu les oreilles et se laissera certainement séduire.
- Même sans gros grind ultrabourrin aux ovaires qui saignent de l'intérieur ?
- Oui oui, il aura même l'impression de jouir sur de la musique cérébrale.
- Alors, "Need To Control", il est pas mal comme disque ?
- Bah oué, c'est clair.