WATAIN est né trop tard pour devenir un géant du black scandinave. Un premier album, qui plus est un live souterrain sorti en 1999, le combat était perdu d'avance. En 1999, le black traditionnel s'essouffle, perd ses plus prestigieux représentants, lasse le monde. En 1999, EMPEROR plonge dans le death metal ("IX Equilibrium"). En 1999, IMMORTAL avale des pilules de Thrash Metal. Deux piliers parmi les plus solides du panthéon noir louchent vers des horizons différents et ne visitent plus que de façon très irrégulière la tombe d'Euronymous. 2000 voit la naissance de "Rabid Death's Curse", premier longue durée studio du méchant suédois. 2000, MAYHEM fait un gros doigt à l'underground et vire électronique. WATAIN était donc foutu dès ses premiers balbutiements.

Foutu et incapable de devenir immense, plus que capable de figurer parmi les leaders d'une armée de rebelles qui condamne la fin de l'orthodoxie et lutte contre tous les iconoclasmes. Et WATAIN montera rapidement en grade pour faire aujourd'hui figure de grand au sein d'une meute certes désertée par les précurseurs et les fondateurs mais qui peut se targuer de posséder dans son cheptel quelques beaux spécimens de hurleurs maudits. Celui au plus beau pelage se nomme TAAKE, WATAIN est son acolyte un peu sale et rugueux. Le premier possède une incroyable prestance, le second sent fort et mange en se salissant. Le premier contient sa haine dans un corps gracieux et longiligne, le second bande son muscle gras, transpire et aboie fort. Deux idées du black des origines, TAAKE louche vers le succès d'EMPEROR, WATAIN préfère rester dans le garage toujours occupé par DARKTHRONE.

Mais alors que TAAKE n'a eu de cesse de s'améliorer et de peaufiner sa formule de violence aristocratique, WATAIN a vite voulu qu'on le regarde autrement. Vite jaloux de son voisin au parterre de fans bourgeois et cultivé, il zieutait d'un air grognon ses supporters avinés qui rotaient à table. Alors, WATAIN s'est embourgeoisé. Il s'est acheté du savon, a traité ses poux, est parti laver ses frusques qui sentaient la mort. Le résultat se nomme "Sworn To The Dark", disque chromé qui a vu les derniers amoureux de la période "Rabid Death's Curse" plier bagage vers d'autres horizons (on en retrouve quelques-uns chez le misanthropique VORDR, être autrement plus apocalyptique et hideux). Entre les deux, "Casus Luciferi", passerelle équilibrée entre deux univers qui ne se parlent pas.

Une passerelle qui, sans réellement peiner à trouver son public, ne constitue pourtant qu'un disque du moins. Moins raw, moins sulfureux que son prédécesseur, moins brillant, moins huilé que son successeur. On en vient vite à se poser la question de son intérêt. Et je ne trouve personnellement pas de réponse. MARDUK, prince du brutal, a su tâter du concept (les vampires, la Wehrmacht et tutti quanti), évoluer dans plusieurs directions afin de capter un auditoire toujours neuf. WATAIN refuse de faire la pute afin de satisfaire tout le monde. Il a juste envie de séduire un peu plus large. Admettons la difficulté de la chose. "Casus Luciferi" perd de sa crudité, n'est pas encore passé dans le monde du tout rutilant et malgré un niveau de composition largement supérieur à la base, déçoit. De l'excellent headbang pour gloutons du black, reste que je ne suis ni glouton ni amateur de contorsions vertébrales. Certains voient là-dedans du DISSECTION, j'admets le dessin d'une certaine finesse en filigrane, pas plus.