La légende du Heavy Metal français rien de moins. Et cette légende elle tient à cet EP éponyme et deux albums rutilants. Les forges de Birmingham ont engendré JUDAS PRIEST, les banlieues parisiennes des seventies SORTILÈGE. Les deux partagent une expressivité plutôt débridée qui les amènent à explorer bien au-delà de ce qu'on sera bien tenté d'appeler quelques années plus tard le Heavy Metal traditionnel, façonné par les années 80.

SORTILÈGE a très vite enregistré cet EP mais y a mis tout le soin possible, notamment via le travail pointilleux et précis de Bob Snake et Stéphane Dumont, compositeur de la formation, qui peut également compter sur un vocaliste à la voix en or : Christian Augustin, qui, au bénéfice d'une expressivité dingue, va apporter au chant en français ses lettres de noblesse et démontrer que même si les Anglais ont inventé le Heavy Metal, il n'est pas nécessaire de leur emprunter toutes les clefs.

Zouille est la tête de proue du navire, époustouflant et accrocheur à chacune de ses phrases ("Amazone", "Gladiateur" et bien sûr "Sortilège". "Le Cyclope De L'Étang", qui leur avait permis de se faire remarquer, devra attendre les sessions de "Métamorphose" pour enfin acquérir son plein potentiel. Mais Zouille fait le boulot d'une façon admirable, parvenant par exemple à faire oublier que "Bourreau" est un titre certes rapide mais pas ultime (et ce malgré les riffs de Stéphane Dumont), ou rendant un hommage pas déguisé au "Victim Of Changes" du PRIEST sur "Progéniture", et se montrant à un niveau de classe internationale.

Le son est prodigieux pour un petit quintette parisien marquant son premier EP d'un professionnalisme jamais vu dans le Metal français (dont le manque était d'ailleurs un reproche assez général adressé à cette scène), et Stéphane Dumont a tout d'un guitar-hero. On a souvent parlé de SORTILÈGE comme du PRIEST français, mais les deux bretteurs du combo francilien n'ont pas cette complémentarité-là, Dem se contentant de tenir le poste primordial de rythmicien de la formation. Et au niveau rythmique, on peut dire que les gars sont des bêtes, tant la section est en béton armé, et ce malgré des grooves pas toujours des plus évidents.

Premier EP et première déflagration pour SORTILÈGE qui malgré un succès mesuré, ne cessera d'étonner, bâtissant sa légende à chacune de ses sorties, jusqu'à rendre Chuck Schuldiner complètement dingue de ces Frenchies (là où ANTHRAX préfèrera le Hard plus Punk et frontal de TRUST).