Ce fut avec nostalgie que j'assistais à l’une des dernières prestations de SLAYER en 2019 au poste de secours du Hellfest, faisant mine d’être solidaire avec une connaissance que j’avais traîné jusque là, ayant abusé de muscadet et s'étant malencontreusement endormie en plein cagnard. Il y avait quand même plus important que l’évolution de son ébriété, car se déroulait un événement qui, je le savais, ne se reproduirait plus jamais.

De loin, je voyais trois petites silhouettes devant un gros kit : Araya et sa présence scénique singulière tout en manspreading, Holt et sa gratte peinte de son propre sang -et son hygiène douteuse - et un nain de la Moria chauve aux tatouages tribaux surannés avec des chouchous dans la barbe. Et je me disais, déjà nostalgique : "Au moins lui, il ne va pas me manquer".

Alors oui, vous me voyez venir, on est là avant tout pour évaluer la musique, et je commence déjà à m'exciter parce que je n'aime pas KK (prononcez "Caca" à la française, ou "Kéké" à l'américaine, c'est raccord). Mais figurez-vous que je n’ai même pas besoin de séparer l’homme de l’artiste, car je ne peux blairer ni l’un, ni l’autre. Je vais donc m'efforcer d'être objectif, mais je ne peux pas passer sous silence l'ego du monsieur dans son nouveau self-tribute-band, avec à l’appui quelques éléments de ses récentes interviews.

Déjà, à propos du nom :
KING : "It was going to be King’s Reign for a long time, which is really cool."
Non, c'est encore plus ridicule et mégalo que de le nommer après soi-même.

KING : "It became Kerry King because I love that logo."
Oui, magnifique, c’est le premier mot qui me vient à l’esprit. "Bon goût" aussi.

Puis à propos de l’élan créatif :
ROLLING STONE : "What’s your creative process like these days?"
KING : "It’s fucking primitive. I play out an amp about the size of my boot, and I record on this [King points to his phone]. I watch football or SportsCenter, just tune out, and let my hands do what they do; they’ll just make shit up. I got to make sure I’m paying attention enough to record it."
Ouaip. Ben heureusement que t’as Josh Wilbur à tes fesses quand même, car on la connaît ta philosophie de l’entraînement et du goût de l’effort.

Bref, parlons du titre. Là où je suis d’accord avec le KING (pas Elvis, l’autre du coup), c’est que "Idle Hands" est dans la veine directe de "Repentless", et pour les bonnes raisons. La hargne est belle et bien présente et est suffisamment dans la retenue pour ne pas être énième titre de Thrash rapide mais totalement insipide. La sémantique peu surprenante mais logique colle à l’ambiance sombre, dont on regrettera cependant des vers un peu longs, qui semblent parfois entrer au chausse-pied dans les couplets. Pour autant, Osegueda se donne les moyens de s’époumoner à la façon d’un Araya, pour une performance tout à fait louable.

ROLLING STONE : "The way he sings, it sounds like Slayer."
KING : "Well, that’s me putting the vocals together."
Attends bonhomme, déjà qu’il paraît que c’est toi qui jouais de la basse sur les albums studio de ton précédent groupe, tu ne vas pas non plus nous dire que tu mixais tout, que tu imprimais les jaquettes, et que tu pressais les vinyles toi-même tant qu’à faire ? Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés, merde à la fin !

Autre trait caractéristique de l’héritage post-SLAYER, on distingue parfaitement les signatures guitaristiques entre les deux joueurs de six-cordes : l’un fait un solo ciselé digne d’Hanneman/Holt, l’autre est celui de Kerry King.

Allez Kerry, une dernière analyse peut-être ?
KING : "I don’t know the real word for it, but I call it a broken rhythm."
Merci Kerry.

Bon ça suffit, je ne noircirai pas davantage le tableau car ce serait hypocrite. Ce single fait ce qu’on attend de lui : il n’est ni horrible ni transcendant, et ne mérite pas une seule étoile en raison de mon antipathie pour le frontman. En toute transparence, il est même mieux que ce à quoi je m’attendais, c’est dire. Il faudra simplement espérer que l’intégralité de l’album ne pédale dans la semoule, et se donne l’ambition d’être plus aventureux, car le casting le permet clairement. Il s’agit d’un Kerry KING Band, pas juste de KK qui essaye de refouler sa frustration de ne pas être allé jusqu’au bout de SLAYER, quand bien même son énergie déborde à l’aube de ses soixante printemps. T’es pas seul dans le navire, mec.

2/5, et basta.

N.B. : Toutes les citations de cette kro-X (sorties évidemment de leur contexte à des fins humoristiques) sont disponibles au lien suivant :
https://www.rollingstone.com/music/music-features/kerry-king-slayer-idle-hands-from-hell-i-rise-1234951010/