Bien avant que KICKBACK ne se libère des références purement Hardcore et ne travaille son riffing Black Metal, lançant ainsi avant tout le monde ce qui deviendra une mode dans l'écurie type Throatruiner, leur son récitait sagement la scène NYHC, en particulier sur "Cornered". "Les 150 Passions Meurtrières", lui, s'extrait déjà du Hardcore-jeu, milieu qui détestait le groupe pour des raisons évidentes : KICKBACK était foncièrement contre le monde moderne, et ses références puaient la violence et la non-compromission, en particulier Cioran et Evola. Aujourd'hui, quel groupe de Hardcore aurait le courage et, plus encore, les références culturelles et intellectuelles pour penser le monde à contre-courant ?

Alors il est vrai que les provocations de KICKBACK font sourire maintenant. Il y a un côté adolescent à lécher les pompes de la filmographie de Gaspard Noé, et à sortir des citations de films ultra-violentes. Mais c'est oublier que KICKBACK était porté par des bons gros tarés au crâne chauve comme Stephen, qu'ils tapaient sur tout ce qui bouge comme des racailles du 93 et que la sincérité du discours antimoderne ajoutait à un climat de haine, loin, très loin des postures bourgeoises et artsy de nombreux groupes d'aujourd'hui. "Will To Power", foncièrement nietzschéenne, n'est rien d'autre qu'un manifeste pour le retour à une barbarie et à la loi du plus fort. Quel groupe nous sortirait un discours aussi crypto-fasciste aujourd'hui ? Il ne reste que des thématiques athées de merde pour jouer le rebelle ou bien des resucées contre l'Homme, vilain méchant pollueur, sans attaquer ce qui fait vraiment dresser le poil du confortable pelo de 2023 : la racine maléfique du monde moderne.

Tout cela peut paraître amusant quand on écoute "Ruining The Show", avec sa partie Rap (en français) ; on peut se dire que KICKBACK ne faisait qu'embrasser les modes du temps présent, mais ce serait oublier que le groupe puisait dans tout ce qui faisait violence à l'époque. Une tendance qu'il accentuera en se libérant du pur Hardcore pour aller vers le Black. Mais déjà, il y avait ce riffing Slayerien qui faisait mouche, qui bavait et détruisait les écoutilles ("On The Prowl") et ce chant effroyable, qui ne s'embarassait pas des classiques gang vocals mais visait seulement la pure haine éructée du fond de la gorge tapissée de litrons d'eau de vie et autres ayahuascas pour partir explorer l'envers du monde matériel.

KICKBACK décollera bien davantage sur "No Surrender" et l'arrivée de Toxic H., mais il y a déjà de la rage dans ce Negative Hardcore qui ne promeut certainement pas le vivre ensemble et les valeurs familiales. En témoigne cette effroyable pochette référence à "Deathcrush" de MAYHEM. KICKBACK recrachait tout l'envers du décor d'une France chiraquienne horriblement ennuyante, qui verserait deux ans plus tard dans l'hystérie collective face à ce bon vieux Jean-Ma. Aujourd'hui, on en rigole, vu la gueule de l'actualité, plus violente désormais que KICKBACK lui-même. Et c'est beaucoup en dire, car lorsque le sample infernal d'une femme violentée conclut "Les 150 Passions Meurtrières", on en sort crasseux, et on ne peut que se moquer de tous ces posers qui gratouillent du tremolo Black avec leur legging noir sous leur cul non-musclé.