En contemplant le line-up d’"Inner Supremacy", je dois vous confier, bien-aimés lecteurs, avoir été saisi d’une certaine forme de circonspection. Mais pourquoi diantre changer 60% du casting, après un premier EP aussi addictif que ne l’était "Order To Die" ? Exit Gul et sa voix alternant growl et black, par la fenêtre Rudy (basse) et Jurneyd (guitare), malgré la qualité de leurs contributions respectives à la réussite collective que constituait cet essai séminal. Ne restent donc aux commandes que Leandro derrière les fûts et Victor (à la gratte et seul au chant pour l’occasion). De quoi faire couler quelques sueurs froides le long de ma nuque avant de glisser la galette dans mon mange-disque Fisher-Price®.

Fort heureusement, l’impression générale résultant de l’écoute de ce premier LP s’avère rassurante. Sorti quatre ans après son prédécesseur, l’album s’inscrit dans une certaine continuité, les changements d’effectifs n’ayant pas significativement entamé à capacité de FALLEN JOY à nous pondre un Melodeath ultra-efficace, un brin épique sur les bords. "Inner Supremacy" est puissant, mélodique, agressif et nous sort des compositions fortement influencées par les père-fondateurs du genre.

Plutôt conventionnels dans leur approche initiale, les Frenchies basculent légèrement du côté obscur de la force, insistant de façon plus marquée sur des tendances Black déjà entre-aperçues en 2009. Le chant de Victor ne possède pas la versatilité de son prédécesseur et les beuglements d'ours ont ici quasiment disparu. Par envie ou souci de cohérence, les musiciens suivent le pas et assombrissent leur propos dans des proportions marquées, même si le conclusif "Voyage Au Bout De La Nuit" donnait déjà sur "Order To Die" des indices quant à la direction que FALLEN JOY pourrait être amenée à prendre.

Doté d’une production bien plus équilibrée (disons-le tout de suite : plus professionnelle), l’opus y gagne ce qu’il perd en spontanéité. A trop vouloir peaufiner ses chansons dans les moindres détails, les complexifier à outrance, FALLEN JOY y a laissé à mon sens une partie de son identité. Si le disque s’écoute d’une traite dans déplaisir, il ne parvient que trop rarement à m’emporter comme y était parvenu "Order To Die". L’insouciance de l’adolescence a laissé place à un ton plus lourd, plus solennel, malgré quelques titres qui ponctuellement rallument la flamme (l’enchaînement "Hymn To Silent Soldiers"/"Breaking The Light", brillants tous les deux). L’écriture se veut plus sophistiquée et variée, mais à force de contenir toute forme d’exubérance, (à l’exception des soli, ciselés et aboutis tant d’un point de vue technique que mélodique), elle perd ce côté catchy et innocent, multipliant les plans sans que cela ne s’avère nécessaire.

"Inner Supremacy" n’en reste pas moins hautement recommandable aux fans du genre, de bonne facture, même s’il peine à confirmer le plein potentiel aperçu précédemment. Une légère déception pour ma part, donc, malgré d’indéniables qualités intrinsèques. A noter que la formation Parisienne rentrera en hiatus jusqu’en 2023, date de leur improbable résurrection. Mais ceci est une autre histoire…