ARCHITECTS est un aigle. Impérial. Qui sait quand planer par-delà les terres arides, et quand piquer pour agripper sa proie de ses serres déchirantes pour mieux la relâcher, une fois l’altitude de croisière atteinte. Et la laisser choir telle une vulgaire proie, déjà abandonnée et résignée face à son funeste destin. Et cette dépouille est la votre.

"All Our Gods Have Abandoned Us" est déjà le septième LP des Anglais. Autant dire qu’ils ont eu le temps de perfectionner leur formule, faite de Metalcore bien entendu, mais également de touches progressives (dans le sens technique de la chose) et d’une touche d’arrangements électroniques plutôt discrètes, tout au moins à cette époque. Les riffs sont complexes et méandreux, accordés assez bas, et se complètent avec des motifs leads plus soigneux et aériens. Le combo de Sheffield alterne les moments éthérés avec des passages d’agression, portés par la signature rythmique bien sûr, mais également le chant hurlé de Sam Carter.

Sacré frontman que Carter, au passage. Il sait aussi bien asséner ses textes furieux avec une rage et un désespoir non feint que venir caresser les tympans avec une élégance jamais mielleuse. Majoritairement extrême je vous rassure, tout le charme de la voix réside dans ces émotions à fleur de peau qui émergent des cris. Rien de tel qu’une mélodie mélancolique balancée de la sorte, un registre dans lequel peu excellent (n’est pas Mikael Stanne qui le veut).

La bande des frangins Searle (Tom à la guitare et aux claviers et Dan à la batterie) sort ici un véritable bijou en matière de compositions, à en convertir les habituels rétifs au genre prodigué. La recherche harmonique et l’équilibre de l’écriture tutoient ici les sommets. Dernier disque enregistré avec Tom, qui décèdera d’un cancer la même année, "All Our Gods Have Abandoned Us" constitue un touchant testament, dont la substantifique moelle est concentrée sur le titre d’ouverture "Nihilist". Si vous pensez que le genre ne vous parle pas, testez au moins ce furieux morceau.

Cet album est un diamant. Et à l’instar de cette précieuse pierre, la fascination qu’elle suscite ne l’empêche pas de se montrer bien tranchante. Enregistré alors que son fondateur était déjà malade, il possède de surcroît une épaisseur authentique ("A Match Made In Heaven", "Deathwish", ou encore "The Empty Hourglass") qui lui confère une profondeur insondable, dont les écoutes répétées viendront difficilement à bout. De surcroît porté par une production incroyable, le minéral carbonique est ici poli et ciselé à la perfection, une constante chez les Britanniques.

Et dire qu’ARCHITECTS remettra le couvert deux ans après avec "Holy Hell", tout aussi abouti.

La grande classe.