C'est bien connu, faire prendre un virage à 90° au style de son groupe, c'est casse-gueule. La moitié hurlera que c'était mieux avant, une partie de la moitié restante prônera l'ouverture d'esprit et engueulera les « vieux cons », des nouveaux fans approcheront et se feront huer par les ex-fans de la première heure... M'enfin, il se passe exactement la même chose quand un groupe n'évolue strictement pas me diriez-vous.
Si je dis ça, c'est parce qu'ELEMENT a quand même pas mal retourné sa chemise pour nous sortir "The Energy". C'est pas une hérésie à la CRYPTOPSY, mais c'est sûr, les fans du premier album gueuleront.

Remember...
ELEMENT, "Aeons Past". Combo californien faisant partie de la crème de Brutal Bands, label qui a pas mal pris du poids depuis. La musique ? Du pur Brutal Death Technique marchant des les traces d'ORIGIN et SPAWN OF POSSESSION, avec une thématique SF et KC Howard à la batterie (DECREPIT BIRTH, ODIOUS MORTEM... :bande:). Intense, brutal, mais pas illisible. Ultra technique mais pas de branlette nécessitant un doctorat de solfège pour décrypter tout ça. Bref, un putain de bon album de Brutal Death Technique.
Mais entre-temps, un clivage monumental du line-up a eu lieu. Et pas qu'un peu. Le groupe en est même passé au statut de one-man band ! Donc c'est ici Manson Gregory qui s'occupe de tout, incluant la programmation de la batterie. Eurgh. Passer de Howard à une boîte à rythmes, c'est vraiment, mais alors vraiment, super dur...

Et ouais, le style musical a pas mal changé du coup. Quand on demande aux fans du premier album, ils répondent que c'est trop mou et chiant et que du coup, ils l'écoutent juste pas.
Mais non, "The Energy" n'est pas mou. Il est planant et atmosphérique. Subtile différence (surtout pour du Thrash/Death).

Thrash/Death atmosphérique qu'il dit ? Ouais, même planant, spatial, cotonneux, beau, papillon, fleur, fraise des bois... Ahem. Thrash/Death parce que c'est du Thrash/Death en vision globale. Atmosphérique parce que ça tabasse que modérément, qu'il y a plein de passages calmes et mélodiques, et aussi que tout est mis sur l'ambiance. Regardez la pochette. C'est beau hein ? Ben l'album c'est un peu ça. Une grosse masse bleue qui vole avec quand même des trucs pointus autour.
Tout débute donc par une intro acoustico-spatiale mignonne tout plein et assez surprenante quand on s'attend à un "Aeon Past" bis. Bon, le premier effort avait bien une outro acoustique c'est vrai. Mais dans "The Energy", ce type de passages, y'en a tout plein ! L'intro de l'éponyme, la première minute de "Gesture From November", la fin de "Vexed" ou encore la superbe intro de "Everchanging", l'interlude "Liquid Space Eyes"... Guitare acoustique, effets d'échos, quelques discrets claviers, ça fait tout son possible pour nous balancer en orbite. Et même si c'est pas aussi bien fait que MITHRAS, toutes ces accalmies sont de très bonne facture et sont même un argument de vente plus que correct pour l'album.

Bref, c'est bien gentil de parler des interludes en premier, mais faut pas oublier les VRAIS morceaux avec de la viande dedans. Là aussi c'est pas pareil. Tout démarre avec "Vexed". Vachement mélodieux dans l'ensemble, qui donne la part du lion aux lignes de basse. Un véritable aspect planant même. Merde alors, ELEMENT a surfé sur la vague enclenchée par OBSCURA. Les vocaux surprennent également. Un growl spectral, effacé, parlé et sous-mixé. Un aspect «coucou je suis ta conscience et je viens pour te suicider» pas désagréable donc. Volontairement mis en retrait pour laisser la musique s'exprimer, cette voix death fantomatique hante l'album plus qu'elle ne le porte. Et la section instrumentale, elle se porte comment, elle ?

Bon, la basse est bien audible sur "Vexed", mais par la suite elle est disponible par intermittence et provoque même parfois des larsens bien casse-burne sur mes enceintes. L'album est globalement contemplatif et peu fougueux. Globalement hein, la track éponyme fait plus penser à SUFFOCATION qu'autre chose par moments, et "Centipede" est une sacrée cavalcade létale avec la double en Mach 2. Mais ces morceaux ne sont pas franchement représentatifs d'une vision d'ensemble de l'album.
En fait, on est bien plus dans le Thrash que le Death. Les tagadas de "Gesture From November" témoigneront en ma faveur. Mais la grande force de cet album reste le mariage contre-nature avec le Prog de l'espace. Outre les structures élaborées des morceaux, c'est plutôt un titre fort comme «Everchanging» qui résumera la tonalité de l'album au complet. Belle intro acoustique couplée à des patterns de batterie superbes, puis une sorte de Thrash/Death hybride mélodieux et planant, tout en riffs étirés et cotonneux, qui prend aux tripes et fais voyager de planète en planète. Étrange, et presque original. Presque.

Ben oui, mais non, évidement. Tout le monde connaît ATHEIST. Tout le monde connaît CYNIC. Tout le monde est au courant de leur come-back récent. Et notre Gregory aussi visiblement. Donc c'est cool de rendre hommage à tes aînés, mais ça fait quand même un petit peu opportuniste tout ça non ? Bon, je préfère un excellent plagiat à un truc original tout pourri, mais voilà... Tout le monde a pas mon extrême tolérance sur ce plan...
Ah tiens, je me rends compte que j'ai pas parlé de la BAR. Ce qui est une bonne chose. Ça veut dire qu'elle m'a pas brûlé les poils des oreilles et par conséquent qu'elle fait bien son boulot de boîte à rythmes. Mais un vrai batteur pourrait sans aucun problème refaire tout ça...

Vous voulez un "Aeon Past 2", ben vous l'aurez pas. Voilà. Du Thrash/Death des étoiles globalement bien réussi mais ne laissant pas une marque que même Mr Propre pourra pas éradiquer. Les fans du premier album hurleront, les petits nouveaux trouveront ça cool, les fans hardcore d'ATHEIST crieront au génie absolu. Pour ma part, j'aime bien ce nouvel effort, tout passe sans casse, mais de là à en faire son album de chevet, il y a encore de la marge. On retiendra un melting-pot extrême qui plane, quelques passages qui restent en tête, et ensuite on reviendra à MITHRAS, parce que le voyage en vaut plus la peine.

Appréciation : adouci, planant tout en restant agressif et assez virulent, tout pour faire fondre en larmes celui qui vit dans une grotte et ne sais pas qu'ATHEIST et CYNIC sont revenus...

3,5/5.