Ah, 1986, une putain de bonne année. J'étais même pas né à l'époque, et c'est dommage, parce que musicalement parlant, ça donnait. Les connaisseurs le savent mieux que quiconque, la deuxième partie des années 80 aura vraiment été l'âge d'or du Heavy Metal mainstream, du Hard FM, du Glam, du Sleaze, des soli de guitare de malade, des permanentes, des clips aguicheurs qui passaient en boucle sur MTV… J'en passe et des meilleurs. De cette orgie généralisée, peu d'artistes sont finalement ressortis vivants. CJSS fait partie de ces groupes. Mais CJSS n'est pas n'importe quel groupe, puisqu'il s'agit ni plus ni moins d'une formation fondée par un grand monsieur de la guitare, j'ai nommé David T. Chastain, le seul, l'unique.

L'existence de CJSS aura été aussi brève que fructueuse. Fondé en 1984, le combo sort coup sur coup deux albums en 1986, "World Gone Mad" en janvier, puis "Praise The Loud" en octobre. Je peux vous dire que j'en ai chié pour trouver ces informations, parce qu'un groupe totalement tombé dans l'oubli comme celui-ci laisse peu de traces derrière lui. Or donc, commençons par le commencement, à savoir "World Gone Mad" : 37 minutes, 9 pistes, bref le format standard de l'époque. La pochette, kitsch au possible, est lourdement marquée par son contexte. Bref, l'amateur de Hard Rock glameux et sleazeux que je suis en a eu l'eau à la bouche avant même de poser ses oreilles sur le contenu de la galette. Je souhaite d'ailleurs à ce titre remercie LE GALLI pour avoir proposé ce groupe dans la Boîte à demandes : ce fut une bien belle découverte pour moi.

"World Gone Mad" est un album de Heavy Metal. Mais pas n'importe lequel, celui que j'aime bien, celui qui lorgne allègrement du côté du Hard FM sans pour autant s'émasculer. Aussi étonnant que celui puisse paraître, la musique de CJSS m'a fait penser à un croisement impromptu entre les mélodies d'IRON MAIDEN et les sonorités rocailleuses de MÖTLEY CRÜE : rythmiques de malade, guitare particulièrement bavarde et éclectique, voix androgyne et refrains aguicheurs au possible. En fait, CJSS me fait énormément penser à un VINNIE VINCENT INVANSION moins excessif, moins racoleur, plus "undreground". On retrouve le même haut niveau technique, à tous points de vue (batterie, guitares, chant), la même ambition de repousser les limites. Et ça marche !

Ça commence sur les chapeaux de roue avec un "Hell On Earth" qui fonce à cent à l'heure, à grand renfort de double grosse caisse. L'excellent vocaliste Russel ouvre les hostilités dans un registre à la fois très glam, très agressif, et très mélodique. Dans une nouvelle référence à VVI, je dirais que ça n'est pas sans m'évoquer un Robert Fleischman, en un peu plus soft et moins aigu. On enchaîne avec "No-Mans Land", qui baisse un peu le rythme mais reste dans un registre plutôt pêchu. Les guitares sont omniprésentes, insatiables, inlassables, la basse rugit tout ce qu'elle peut, le batteur envoie tout ce qu'il a, jusqu'au pont instrumental avec ces putains de soli dont Chastain a le secret. La production de l'époque confère en outre à l'ensemble un charme unique, qui tranche avec l'excès d'effets de mixage des albums modernes. Irrésistible !

Mais CJSS ne se contente pas de taper dans le tas, comme en témoigne le reste de l'album. On tombe ainsi nez-à-nez avec une excellente version très Heavy de "Communication Breakdown", le tube de LED ZEPPELIN : excellent, la chanson gagne tellement en puissance que j'en viens à préférer cette reprise à l'originale. Après "World Gone Mad" et son super refrain, on en vient logiquement à la sempiternelle power-ballade, "Run To Another Day". Eh bien, cliché ou pas, ce titre est probablement l'un des meilleurs de CJSS : à la fois sombre et belle (rah, cette guitare acoustique en intro), avec un rythme ascendant tout à fait grisant, "Run To Another Day" me rappelle immanquablement le son du "Dehumanizer" de BLACK SABBATH, avec un ton moins pessimiste. Diablement transcendant !

Particulièrement équilibré et homogène, "World Gone Mad" est un album très solide qui ne souffre d'aucun autre point faible que son profond manque d'originalité. Mais très franchement, l'ensemble est tellement bien ficelé et riche en rebondissements, qu'on n'en demande pas plus. J'ai d'ailleurs omis de mentionner l'excellent mid-tempo "Welcome To Damnation", l'un de mes préférés. On en a pour tous les goûts, du très MAIDENien "Purgatory - Living in Exile" au plus Hard FM "Destiny". David T. Chastain et ses comparses s'en sont donné à cœur joie, et ça se sent. On se laisse entraîner sans coup férir dans leur délire, et on aimerait ne plus jamais en sortir.

CJSS et ses deux premiers albums sont nés dans un contexte d'état de grâce, à une époque glorieuse pendant laquelle on savait composer et jouer de la musique, de la bonne, de la vraie. On ne se lassera décidemment jamais de goûter aux illustres reliques de ce paradis perdu…

We pledge allegiance, we pledge allegiance, we pledge allegiance, allegiance, allegiance !!!