LIFELOVER voit enfin le jour sur NiME et c'était pas trop tôt !

Quatrième album pour ces Suédois torturés dont le Black/Rock dépressif fait légèrement penser à SHINING, avec un côté déjanté du côté des voix (au nombre de trois sur "Sjukdom"), sonnant parfois comme des chœurs provenant d'outre-tombe ou de la folie du personnage. La lourdeur de la musique et son côté sale et saturé, ses changements de tempo constants d'une plage à l'autre, se rapprochent également de ce que les plus grands combos de Metal suicidaire (tristesse et désespoir au menu) proposent habituellement. D'une mid-tempo (ou lente) et abrutissante pièce au piano avec simple guitare fuzzée ("Svart Galla", "Expandera", "Doften Av Tomhet", Instrumental "Asylum"), on se retrouve à moshpiter ("Led By Misfortune", "Homicidal Tendencies", "Resignation") sur des riffs bien bourdonnants ("Becksvart Frustration", "Horans Hora") où la batterie n'est qu'un chien de poche. Ce détail, à la longue, tape sur les nerfs.

Partout sur "Sjukdom" entend-on les conséquences d'un cerveau ravagé par la misère ; les samples et chœurs – plus des échos – sont adéquats et renforcent le climat obscur mais aussi empreint d'émotions. On ouï aussi de la résignation, de la frustration bien entendu, de la colère, on a décidément passé le stade de la réconciliation. L'heure est à la cervelle coulant le long d'un mur, à la révolte intérieure, à un coup d'état muet, à une explosion underground d'une grande violence, mais d'une simplicité désarmante. Un peu ce qu'un groupe comme KATATONIA peut établir comme ambiance.

L'interprétation de B, le maître d'armes, est réellement sans prétention. LIFELOVER, nom ironique, est de la même graine que SHINING, mais mise sur de courtes processions pour expier rapidement ses démons et varier ses intonations, qui empiètent parfois sur la « pop Metal ». Ses attaques sont sournoises et difficiles à contrer car le Suédois sait déstabiliser avec des uppercuts assommant sec ou des clés de bras faisant tranquillement tourner la tête. LIFELOVER peut se transformer en bête nourrie au punk/rock et domestiquée black (tiens, ça me fait penser à un légendaire groupe norvégien…) ou en animal replié sur lui-même, recroquevillé dans un coin d'une pièce humide sans fenêtre. À quelques secondes d'intervalles, décrivant des arcs de cercle à la vitesse de la lumière, jonglant avec ses sentiments comme bon lui semble, nous gratifiant de riffs et mélodies accrocheurs à tout bout-de-champ. Or, la production approximative et élémentaire pourra déranger et briser un peu la surprise.

Cette dissemblance des notes dans une atmosphère linéaire parfaite, c'est-à-dire écrasante comme la dépression, est probablement la plus grande force du combo. On a droit à 14 morceaux tous plus uniques – et pas nécessairement réussis – les uns des autres, ce qui fait de "Sjukdom" un album à la profondeur souhaitable et à la durée de vie exponentielle. Si vous accrochez à ces constantes mutations où les notes retentissantes du piano et l'obésité de la guitare se donnent la main, vous adorerez la formule des Suédois. Les oreilles initiées baigneront dans ce cafard musical en deux temps trois mouvements, alors que les autres devront redoubler d'efforts pour bien avaler cet épais breuvage que LIFELOVER sécrète.

Quelques pommes pourries se profilent dans le panier – avec 14 plages c'était prévisible – et LIFELOVER aurait pu nous les épargner, mais bon, "Sjukdom" est un disque à écouter sans aucune peur. J'ai plongé tête première après quelques essais dans cet univers malpropre et inhospitalier et j'en suis ressorti propre, alors… Mais j'avoue qu'à la fin, j'avais hâte de chasser ces satanés guitare et piano de ma tête ! Vivement un peu de soleil !

Note : 3,5/5… en attendant le prochain SHINING !