Abbath a décidément enfanté un monstre. On ne compte plus les dauphins, les soupirants…

"Black Earth" est l'album que les vieux fans d'IMMORTAL souhaitaient lorsque "All Shall Fall" est sorti en 2009. Alors que la bande à Abbath leur a servi un album de Black nordique atmosphérique passablement péchu et moderne, BYFROST offre un an plus tard la bonne vieille recette vintage de Black/Thrash scandinave respirant la mort et les montagnes, aussi direct que racoleur avec des riffs répétitifs et des mélodies classiques auxquelles les nostalgiques ne pourront résister.

Un bond de quinze ans en arrière. Et hop !

Le plus drôle est que ça fonctionne encore. Les critiques se sont délectées de cet album comme un chien sur un os. Les Norvégiens ont trouvé la bonne formule pour remplacer le bonze poilu que l'on connaît tous, alliant austérité du Black à l'appât du Heavy et la vélocité et opiniâtreté du Thrash. Une recette qui transforme "Black Earth" en véritable petit prodige pour un premier skeud. On pourra crier au calque, mais sûrement pas au manque de punch avec une telle collection de hits hivernaux et martiaux.

Trio comme IMMORTAL, BYFROST a un son spécial. Les guitares, bien que tranchantes, font douter de l'allégeance complète du groupe. Elles sont certes trempées dans le pétrole, mais le riffing découle aussi d'une influence heavy classique, entraînant une parenté assez bordélique. Une chance que le résultat est probant et plaisant ! Quant au chant ou à la basse, pas subtils pour deux sous, il ne fait aucun doute que Heavyharms est un fan d'Abbath…

Thrash… N'oubliez pas ce terme en écoutant BYFROST. Mais ne vous y fiez pas uniquement, car les Norvégiens savent aussi groover et jammer tranquille avant de défoncer les murs du son glacés autour d'eux. "Black Earth" et "Night Of Damnation" font ainsi concurrence à la rentre-dedans "Horns To The Sky" sans fioritures et Thrash jusqu'au bout des ongles. Ces trois pièces donnent le ton à un album qui étalera des compositions ciselées jusqu'à "Desire" ou "Evil Arise" dans l'ambre le plus solide, celui même avec lequel IMMORTAL et DISSECTION ont forgé leur réputation. Du Black guerrier et frisquet, qui troque parfois la vitesse d'exécution à la lourdeur des grattes.

C'est bon de savoir qu'une relève existe près de l'échafaud, en plein Grand Nord. BYFROST incarne avec rigueur ces bêtes mal famées hantant les territoires inhospitaliers, en jonglant avec le old school, ganté de kevlar en espérant ne pas trop grelotter. Car bon, c'est un premier album pour le trio, il ne peut pas prétendre comprendre et dompter le Nord après une seule escapade… Mais il est sur la bonne voie et devrait retrouver ses traces dans le tapis blanchâtre épais s'il poursuit sa quête d'odes épiques de la sorte.

Le manque de passages atmosphériques est toutefois à déplorer. BYFROST devra trouver un moyen de concilier son côté thrash avec un minimum d'ambiophonies frigorifiques, si fascinantes en Metal ("Sons Of Northern Darkness"). Il manque encore quelques avalanches pour que les Norvégiens puissent postuler pour le siège vacant du maître du Black nordique, que convoitent tant de formations. Normal… On cherche toujours à égaliser, voire à supplanter les phares. Encore faut-il user de patience et de talent. Ce deuxième point ne devrait pas représenter un problème pour BYFROST.

À moins qu'il s'épande encore en rythmiques redondantes et un peu mollassonnes ("Wings Of The Angel Of Death", "Skull Of God"), afin de raffermir ses offrandes aux dieux cachés derrière les voiles de brume blanche, n'attendant que d'affronter le prochain héros ayant pour objectif de les débusquer.

Prometteur.