Il y a de ces œuvres qui sont difficiles à classer… DEMIANS, apprécié dès le départ sur NiME avec la chronique de "Building An Empire" de Canard – que je ne croyais pas aussi sensible pour seulement oser jeter une oreille sur le travail de Nicolas Chapel – est ce genre de truc qui pourrait figurer sur FP ou sur n'importe quel webzine Rock/Pop ou Prog. Comme ANATHEMA remarquez, combo atmosphérique qui mise davantage sur les émotions subtiles pour rocker l'amateur ou lui labourer les tripes, que de défoncer le mur du son à tout moment. Et les commentaires sur le premier album de Chapel traduisaient cette caractéristique ; les fans ont été touchés.

Je ne suis pas le meilleur public pop, sauf pour la pop européenne, que je trouve plus riche en influences, plus métissée. J'en connais assez pour dire que DEMIANS ne serait pas mon premier choix pour faire du plat à une demoiselle, affalé sur le sofa, ou pour planer lors d'une soirée bien arrosée. Je suis toutefois persuadé que Nicolas Chapel possède tous les atouts pour plaire à tous les publics, qu'ils soient passagers ou accrochés.

Ses cordes, électriques et sèches et ses percussions diverses font voyager, ça nous change des formatages. Et que dire de sa voix ? Suave et capable de se transformer en « hurlements » tout doux, elle colle bien sur ces neuf compos à la large palette. J'aime bien aussi la balance entre pièces directes et morceaux plus progressifs, de sorte que "Mute" ne stagne pas comme certains albums de pop insipides et linéaires.

DEMIANS est une mixture de toutes les musiques qui font vibrer : du pop/rock guimauve, de l'atmosphérique planant, du « Metal » un peu sauvage parfois, mais qui ne prend pas le milieu de la scène. Quand Chapel utilise la grosse guitare ou les ambiances plus lourdes, c'est dans un but bien précis, et non pour en mettre plein les oreilles. Il est notamment friand des morceaux qui débutent lentement et qui se terminent en crescendo ("Hesitation Waltz" et "Porcelain", par exemple). C'est dans ce paroxysme que le faible côté « métallique » (oui, les guillemets sont essentiels) de DEMIANS sort de sa coquille comme une tortue paresseuse sort sa tête flasque pour faire de l'exercice.

L'amateur de Metal digne de respect, à mon sens, est capable de s'ouvrir à différents autres styles. Mieux, il peut provenir d'écuries près ou même aux antipodes de la crèche métallique. Il sait ouvrir ses neurones et son cœur, le cas échéant, à des musiques dérivées, inspirées du Rock. DEMIANS, surtout sur "Mute", est cette parenté de Chapel avec tout ce qui chamboule son petit monde de musicien. Tour à tour aérien ("Swing Of The Airwaves", "Overhead" et ses jolis violons), super organique et bidouilleur ("Porcelain"), mystérieux ("Rainbow Ruse"), charmeur et romantique ("Black Over Gold", "Falling From The Sun"), tisseur de refrains radiophoniques ("Feel Alive", "Tidal") ou énervé ("Overhead"), le Français a un grand talent de compositeur. Et il est chic.

Les détracteurs de ce genre de musique sur Nightfall considéreront "Mute" comme un intrus, un ovni indigne de figurer parmi les mastodontes extrêmes que nous gardons ici en captivité. Sauf que comme la nourriture ou l'oxygène, même la pire des brutes et des têtes de pioche a besoin de souffler un peu, de se détendre, de reprendre contact avec la réalité. DEMIANS est cette parenthèse, un petit baume tout coquin pour faire la paix avec son voisin et aspirer à des jours meilleurs.

Allez, riez… ou écoutez en soupirant d'aise et en laissant vos cervicales se relaxer.