Cinq ans sans nouvelle, c’est interminable. Premier album encourageant ou pas, une telle longueur de temps vide de changement condamne à la confidentialité. D’autant que les rangs des amateurs de Speed mélodique se sont nettement clairsemés. Existent-ils encore ces furieux au regard rivé à l’écran, aux doigts à courte distance du clavier, écumant chaque jour leurs favoris afin de puiser où ils savent leur content de sensations fraiches ? Font-ils encore partie de notre lectorat, les deux ou trois qui s’étaient laissés séduire par le premier album de CARDIANT au point de lui consacrer un commentaire encourageant voire élogieux ? Et s’ils sont passés à autre chose, d’autres les ont-ils remplacés ?

Pas de réponse ? Ce n’est pas grave, faisons comme si.

Avant toute chose, permettez-moi un jeu de mots simple et rapide : CARDIANT est aussi finlandais qu’un landais peut-être fin quand il fait la fine bouche devant une salade landaise. Pas mal hein ? Avec ça, j’ai de bonnes chances de remplacer la miss météo du Grand Journal. Non ? Ah, je sais, c’est tout pourri, mais je n’avais pas mieux pour m’acquitter du quota mensuel de touches d’humour sur lequel je me suis personnellement engagé.
Bref… CARDIANT est si finlandais (le jeu de mots n’était donc pas tant inutile puisqu’il me permet un rebond pas piqué des vers) que son Heavy mélodico-accrocheur fait irrémédiablement penser à SONATA ARCTICA. C’est par exemple flagrant sur l’intro de "Fire On Ice", clavier et lignes de chant en tête. Seulement, dans la continuité de son premier essai, CARDIANT coupe le cordon grâce à des touches FM mouchetant son Speed mélodique en divers endroits : les chœurs ("Stars Upon Your Life", "Somehow"), les riffs ("Diamondstar" et "Fire On Ice", déjà cité pour sa ressemblance avec SONATA, qui s’émancipe le long d’un riff typiquement hard rock) ou les lignes de chant ("Tomorrow's Daylight").
A ce propos (ici, vous trouverez une transition sur le chant), les cinq années de gestation nécessaires à ce second album auront eu raison de la patience de Janne Saksa, parti sans demander son reste. Son remplaçant, Erik Karhatsu, conforte une impression de plus en plus "tendance actuelle" : la diversité génétique des Finlandais ne se situe pas dans les cordes vocales. Janne et Erik (qui ne jouent pas au volley-ball) chantent comme deux gouttes d’eau que la nature aurait dotées chacune d’un larynx, d’une luette, d’une langue et d’une bouche. Même timbre, même justesse, même charme ; au moins ne regrettera-t-on pas Janne Saksa.

A l’instar de son premier essai, CARDIANT parvient à amalgamer quelques mélodies bien senties, produisant des titres entrainants et accrocheurs. "Stars Upon Your Life", par exemple, alterne les rythmes et les ambiances. La partie acoustique puis le refrain épique qui lui succède constituent un superbe enchainement. "Yesterday" propose de bons soli de clavier soutenus par une batterie véloce et un refrain aussi simple que fédérateur. "Somehow" et ses sonorités pop-dance peut faire sourire, au début. N’empêche que sa montée en puissance fonctionne plutôt bien et que le refrain, décalé dans sa volonté de sonner moderne tout en restant kitsch, est attendu avec une impatience redoublée à mesure que défile le titre. "Gone Tomorrow" est une ballade touchante, piano et chant, malgré un solo au pathos démesuré.

Indéniablement, CARDIANT conserve intactes ses aptitudes à composer des titres accrocheurs et variés. Seulement, en cinq ans, d’autres formations similaires se sont glissées à sa hauteur, l’entourant de si près que jouer des coudes pour l’atteindre nécessite une énergie dont la dépense n’est pas forcément justifiée. A bien regarder la qualité de ce "Tomorrow's Daylight", de très bonne facture quoique dénué de surprise, il est l’œuvre d’un groupe émérite… Parmi beaucoup d’autres.
Pour le timbre d’Erik Karhatsu, pour quelques titres parfaitement rodés, il n’est pas non plus idiot de le conseiller aux amateurs, s’il en reste.