En voila une progression intéressante ! Après deux albums plus moyens qu’une division par deux, les Finlandais d’EXCALION s’investissent de plein corps dans un troisième album dont on retiendra, Malmsteen soit loué, de bons titres. Certes, la première partie de l’album résonne plus agréablement que la seconde. Je vous l’accorde, EXCALION semble livrer une portion écrasante de sa substance créatrice dans les trois premiers morceaux, suscitant chez l’auditeur un découragement sournois à rallier la quarante-huitième minute à qui l’honneur de fermer l’album a été confié. Seulement, à l’heure des comptes, il faudra bien noter qu’entre le positif et son contraire, le premier saque le second d’une pichenette vigoureuse, au point d’estampiller "High Time" d’un qualificatif qu’on désespérait le voir arborer un jour, en tout cas sur NIME et ses chatoyantes chroniques.

Puisque j’ai sciemment levé le voile sur la qualité des trois premiers titres, je vous dois un minimum d’insistance.
"Enter A Life" fait le pari de la mélodie folâtre répétée à qui mieux mieux ; expression intéressante où le "mieux" jumelé désigne la mélodie dont il est question et le "qui" se rapporte à deux instruments. Le premier, naturel, fait de chair et de cordes : la voix chaude et tout juste rauque de Jarmo Pääkkönen. Le second, manufacturé (et manumanipulé), fait de bois et de cordes aussi : la guitare de Vesa Nupponen. Prise à part, une mélodie au classicisme d’école. Mais intégrée dans un titre à la rythmique sautillante, on la surprend produire un résultat imparable, celui de mener l’auditeur peu farouche à l’endroit où le corps soubresaute et le poing se lève.
"From Somewhere To Anywhere", dont on remarquera des sonorités davantage hard-rock que son prédécesseur, tire quant à lui sa moelle de lignes de chant épiques et d’une rythmique sans trop de goût pour l’aventure mais néanmoins opiniâtre. C’est léger, gentiment frais, la fougue des instrumentistes jaillit comme les rires des enfants lorsque débute un jeu du foulard. Une fois de plus, EXCALION n’a guère plus d’originalité qu’une huitre œuvrant à l’élaboration d’une perle de calibre moyen. Pourtant, ce timbre convaincant et cet enthousiasme palpable poussent à l’adhésion.
Enfin, "Sun Stones" figure en bonne place pour rafler le titre de meilleur hymne de l’album. Comme souvent quand on parle d’hymne, on indique sa préférence pour le refrain. C’est bien le cas ici ; le refrain est très bon et la conviction de Jarmo Pääkkönen à le délivrer avec un maximum de persuasion y est pour beaucoup. Ce fameux refrain dont on parle décidemment beaucoup dans ce paragraphe n’est pas le seul, cependant, dont il faut saluer la prestation. L’intro arabisante dévoile un paysage exotique, le riff s’installant progressivement charge l’atmosphère d’une légère pesanteur et les lignes de chant gagnent en force à mesure de leur progression, préparant le terrain de manière idéale au refrain dont il est temps de stopper toute évocation supplémentaire.

Ces morceaux favorisés dans leur étendue descriptive ne doivent pas non plus occulter quelques successeurs de bonne tenue ; ce serait ôter tout crédit à la note encourageante qui a su motiver ma préférence. Je vais donc citer "Bring On The Storm" en raison d’une rythmique plus pêchue et d’un refrain aérien agréable, "The Shroud" qui fait furieusement penser au travail d’Axel Rudi Pell dans sa rythmique et "Quicksilver" parce qu’il serait totalement injuste de ne pas souligner les efforts de Jarmo Pääkkönen qui transpire glaires et eau afin de gonfler des lignes de chant d’un maximum d’expression et que passer sous silence les soli de Vesa Nupponen et Jarmo "Jappe" Myllyvirta, courts mais savoureux, serait inconvenant.

EXCALION, c’est comme un long poker. Après avoir détenu une paire de deux qui n’inquiétait personne, le voila de retour avec un brelan. Un petit brelan, c’est vrai. Mais un brelan, cela se prend toujours au sérieux. Une jolie remontée, en tout cas. Que l’album suivant montre une persévérance renforcée et aligne un peu plus de brûlots, on verra ces Finlandais prendre une place de choix que jamais je n’aurais pensé leur accorder.