Je ne cesserai jamais de clamer haut et fort tout le bien que je pense de WARRIOR SOUL. Selon moi, ce quartette américain aurait dû être un groupe majeur des 90's. Il avait tout pour casser la baraque: des albums brillants avec un paquet de chansons inspirées, efficaces, des musiciens compétents et parfaitement complémentaires, un chanteur charismatique à forte personnalité et capable de tenir un discours cohérent, intelligent (le parfait négatif d'un Kurt Cobain, en gros), un sens de la subversion subtil, une vision du monde lucide et futuriste. Pour moi, WARRIOR SOUL est le groupe le plus injustement sous-estimé de toute l'Histoire du rock américain (hard ou pas) tant ses 3 premiers albums sont brillants et continuent de faire leur effet sur moi (et d'autres personnes, je suppose).

Mais passons à présent à l'album "Chill Pill". Celui-ci est le 4ème opus du quartette américain et a la lourde tâche de succéder à 3 albums précédents qui avaient placé la barre extrêmement haut. Nous sommes en 1993 et WARRIOR SOUL sort son 4ème album depuis 1990. Autrement dit, il a enregistré 4 albums en 4 ans. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne perd pas de temps. Le succès commercial planétaire, qui aurait été 10 milliards de fois mérité, n'a pas été au rendez-vous, préférant sourire à d'autres combos, plus limités ou vulgaires (R.A.T.M), ou carrément niais et caca-prout (NIRVANA). Le destin est parfois d'une injustice flagrante, et le grand public bête comme ses pieds...

Mais Kory Clarke et WARRIOR SOUL n'en ont cure. Se compromettre, vendre son cul, ce n'est pas, mais alors pas du tout leur truc. Aussi, lorsque sort "Chill Pill", on se rend compte que le combo américain se remet en question, se livre occasionnellement à quelques expérimentations sans vraiment tenir compte de ce qui est tendance ou pas. Seulement voilà : l'innovation et l'expérimentation sont des armes à double tranchant. Soit le résultat peut être brillant, soit c'est l'inverse. Et "Chill Pill" semble, hélas, rentrer dans la catégorie du ratage.

A la première écoute de "Chill Pill", j'ai été désemparé et déçu par les compos, que j'avais trouvées fades, sans saveur. Puis en le réécoutant plusieurs fois, je n'ai toujours pas accroché à cet album (ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé) qui a suscité de l'ennui plutôt qu'autre chose. Au fur et à mesure que défilent les titres, on sent que quelque chose cloche. L'inspiration n'est pas au rendez-vous. L'ensemble est poussif, parfois répétitif, les guitares (tant les soli que les riffs) sont moins inspirées que par le passé. Les soli sont moins présents. On sent le groupe moins concerné tant de nombreux titres suscitent le désarroi. Vous voulez des exemples ? Parlons de "Mars", un morceau bâclé très court avec des bruitages divers, des effets spéciaux franchement dispensables. Que dire, par exemple, d'un "Song In Your Mind", morceau planant, et soporifique au possible qui ne risque pas d'être ancré dans ma tête, ça c'est sûr... Quant au planant et enfumé "Let Me Go", très 70's dans l'esprit, c'est un titre laborieux qui ne parvient pas à décoller pour convaincre.

Ceci dit, tout n'est pas à jeter sur cette galette. Quelques titres inspirés apparaissent tels des rayons de soleil. On citera volontiers "Shock Um Down", un bon morceau heavy-rock aux relents sleaze, percutant, direct, brut de décoffrage et redoutable d'efficacité sur lequel la voix de Kory Clarke se fait - ENFIN ! - hargneuse, "Ha ha ha" (en voilà, un drôle de titre !), un mid-tempo lourd, burné, hypnotique qui lorgne du côté du stoner, fait headbanguer en dépit de ses couplets un brin répétitifs (ils commencent tous par "We enjoy...") et se distingue par ses guitares bordéliques, son ambiance anarchique, et enfin "High Road", un mid-tempo hard groovy, très roots, très cru dans l'esprit qui attire l'attention grâce à la grande présence de l'harmonica (qui sert aussi de point d'ancrage à la chanson avec son intro d'une trentaine de secondes) et surtout la parfaite synchronisation de la voix de Kory Clarke et des instruments dans l'espace sonore (comme sur les précédents opus du groupe, en fait). Voilà les titres à sauver sur cet album.

Pour le reste, on peut parler de gâchis. Car un titre comme le heavy "Cargos Of Doom" aurait pu être intéressant s'il avait été davantage travaillé et donne franchement l'impression d'être inachevé. Le sombre et lancinant "Concrete Frontier", aux légers relents grungys, se voit, lui, pénalisé par certains passages laborieux, superflus et aurait nettement gagné en efficacité s'il avait été raccourci. Quand à "I Want Some", c'est un uppercut heavy-rock direct, mais malheureusement trop sec, trop redondant, de surcroit gâché par un refrain nul ("Oh woe, woe, woe").

Le constat est amer : malgré une volonté de vouloir se remettre en question, de se régénérer (ce qui est tout à son honneur), WARRIOR SOUL a foiré son coup. On ne reconnait pas le groupe si brillant des précédents albums, d'où la déception. On se demande bien ce qui a pu passer par la tête des musiciens à l'époque. Peut-être s'agissait-il juste d'une baisse d'inspiration et d'une méforme passagère... En tout cas, je déconseille fortement ce "Chill Pill" aux personnes qui désireraient découvrir WARRIOR SOUL car c'est l'album le moins bon, le moins inspiré du groupe, au point de faire tâche dans leur discographie.