Dernier album en date, "Prosatanica Shooting Angels" marque un nouveau virage stylistique pour le prince noir de la chicane metallique. Arrière toute, retour à la case crudités, NARGAROTH a décidé de plonger dans un bain acide aux relents de true black obscène. Si la musique de Kanwulf n'a jamais été aisément accessible au novice en matière d'extrême, le teuton-orchestre a décidé cette fois-ci de dévoiler son penchant le plus haineux. On pensait "Black Metal Ist Krieg (A Dedication Monument)" abrasif, il faut aujourd'hui réviser son vocabulaire. "Prosatanica Shooting Angels", plus décapant, tu meurs.

La production au papier émeri rappellera un peu le DARKTHRONE des vertes années, évoquera aussi les récentes tortures délivrées par LUCIFUGUM. La thématique du disque laissait déjà présager du pire, on retrouvera quatre fois le mot Satan sur la tracklist. La pochette était un autre avertissement sur la direction suivie. Et si personne ne sera surpris par l'épaisseur de l'intro (qui débute sur une demande poliment formulée de visionnage d'ovaires), caractéristique décisive de l'artiste, la texture du fiel déchargé représente malgré tout une petite sensation.

D'une certaine manière, rien n'a jamais changé chez NARGAROTH. Nouvelle politique sonore à chaque album et même appétit pour la crème indigeste que l'on rencontre dans toutes les pâtisseries allemandes. Oui, NARGAROTH est lourd, il aime accentuer ses effets au-delà du maximum et en devient souvent gavant. Poétique et lyrique, "Herbstleyd" traînait atrocement en longueur, se noyait dans des interludes incongrus, "Black Metal Ist Krieg (A Dedication Monument)" surlignait son attitude punk au stabilo et nous invitait à une tranche de rire un tantinet grasse. "Geliebte Des Regens" affichait un misérabilisme forcé. Alors quand Kanwulf fait dans l'ultra-méchant, il en rajoute, il mouline dans tous les sens, sue à en perdre haleine, fait des simagrées très théâtrales…Et on n'y croit absolument pas. De barde romantique à jeune rebelle alcoolique à dépressif chronique au bord du suicide, on distingue clairement la provenance du costume de sataniste enflammé revêtu en 2004. Loué pour pas cher chez Rico le roi du porno, le déguisement de foire à la saucisse se laisse trahir par des coutures peu solides et un manque d'application tragique dans la finition.

Alors, on aimerait ne pas en vouloir à notre gentil caméléon. Après tout, libre à lui de modifier son propos à chaque nouvelle sortie. Les mutations successives d'ULVER ne gênent personne, pourquoi Kanwulf devrait-il se voir reprocher des écarts dix fois moindres ?
Simplement parce que Kanwulf n'a pas le talent de Garm, très loin s'en faut. Et qu'avec "Prosatanica Shooting Angels", il vient probablement de toucher le fond. La galette n'est pas artistiquement viable, constat dur et sincère.

Brutal, vulgaire, anémique, répétitif, est-il véritablement besoin de développer l'analyse ? Si, en dépit de ses quelques tares, NARGAROTH a toujours su se faire apprécier en raison d'un discours souvent différent de ses pairs, il est à présent tombé dans une litanie des plus banales, mille fois entendues. Certes, une vague lumière pâlichonne adoucit l'aigreur de la bile, une vague de mélancolie déjà servie sur "Herbstelyd" et "Geliebte Des Regens", devenue vaguelette, ou même plouf infime très insatisfaisant.

Voilà, vous savez maintenant de quoi est fait "Prosatanica Shooting Angels", où quand le raw black est bête et chiant.