NARGAROTH a depuis longtemps cessé d'intéresser qui que ce soit. Après un "Herbstleid" qui avait gentiment remué son underground, après un "Black Metal Ist Krieg" générateur d'avis parmi les plus contradictoires, Kanwulf s'est perdu et ses deux derniers longue durée n'ont passionné personne. NARGAROTH, ancien grand manitou du Black germanique devenu groupe triple bof et flirtant parfois avec l'abominable.

Rien que pour cette trajectoire plongeante, "Jahreszeiten" constitue une petite surprise, un petit sursaut aussi malicieux qu'inattendu. Pas de quoi s'accrocher aux rideaux en se tripotant la quenelle, ceux qui n'ont jamais investi grand-chose sur le projet solo Saxon peuvent continuer à placer leurs économies ailleurs, rendez-vous un autre jour. Mais comme il fut un temps où Kanwulf faisait intelligemment parler de lui, comme il est toujours difficile de ne jamais plus tourner la tête pour croiser le regard d'un flirt passé, ce sixième album devrait bien encore bénéficier de l'attention de quelques passants. C'est donc à ceux que l'humour de "Black Metal Ist Krieg" a séduit et aux autres qui ont un moment senti l'émotion les gagner ne serait-ce qu'un infime instant à l'écoute de la lourde dramaturgie de "Herbstleid" que cette chronique s'adresse. Aux seconds plus qu'aux premiers, soyons honnêtes. NARGAROTH nous la refait épique et tragique et la nouvelle n'est pas mauvaise.

Evidemment, toujours empreint de maladresses qui lui semblent acquises à jamais, comme une maladie génétique incurable, Kanwulf a été, comme à chacune de ses sorties ou presque, incapable d'alléger son propos. Alors, quand il nous livre sa version toute personnelle des Quatre Saisons, la livraison pèse lourd, très lourd. L'introduction typée méthode Assimil niveau perfectionnement allemand ne contentera pas tout le monde, elle est pourtant généreuse et d'une certaine poigne. Les premières secondes du printemps ("Frühling") choqueront les oreilles peu enclines à supporter les clins d'œil joyeux, elles sont pourtant d'un rafraîchissement plaisant. Puis déboule le désert mélancolique…

Un désert mélancolique attendu et qui ne tombe pas dans les mêmes travers que ses trois précédentes productions. Fini l'extrémisme barbare stérile, re-bonjour l'inspiration qui avait quitté l'homme d'Eilenburg depuis déjà un petit paquet d'années. Ajoutons à cela une malice qui fait zieuter Kanwulf du côté d'un certain Black Metal très en vogue ces dernières années et vous obtiendrez un album d'une qualité honnête, capable même de tenir dans une CDthèque point trop critique.

Un certain Black Metal très en vogue ces dernières années… Accouplement historiquement riche en atrocités, mariage ici joliment consommé, NARGAROTH lorgne du côté de l'est et n'a pas peur de faire du gringue au plus fier représentant de l'école orientale dont tout le monde aura deviné le nom, DRUDKH. La formule est somme toute d'une absolue simplicité, du lancinant intelligemment composé, l'acceptation d'un temps long passé à poser un climat et vient un automne ("Herbst") doré de ces feuilles qui tapisseront bientôt un sol humide et tendre. Dommage que l'hiver ("Winter") se veuille si rude, NARGAROTH préfère conclure en assommant l'auditeur plutôt que de continuer à le choyer et terminer l'office avec délicatesse. Il parvient cependant à éviter le cataclysme vécu sur "Prosatanica Shooting Angels" pour n'en citer qu'un. "Jahreszeiten" se termine dans la douleur mais conserve ses atouts charme.

NARGAROTH a retrouvé de bons rails, personne n'y croyait, c'est pourtant arrivé. Reste encore à savoir si la foultitude d'erreurs commises depuis 7 ou 8 ans ne lui ont pas annihilé toute chance de retrouver le haut de l'affiche. Et à ce propos, j'avoue manquer d'optimisme.