C’est un visuel nettoyé d’arbres, débarrassé de friches industrielles et d’évocations de la nature, qui laissa penser qu’il fallait accorder une chance à cet Xème objet de JESU. On a bien compris que Birmingham, c’était moche et qu’un paysage quiet rappelle l’aspiration de Broadrick à un environnement, une musique tranquilles. Il est temps de changer un peu de registre, alors pourquoi pas la pyramide de Khéphren ? Pourquoi pas, non plus, réutiliser les pistes d’un split avec ELUVIUM et les isoler cette fois-ci ? Hein ? C’est tout con, on change un peu la pochette, pas trop histoire de mettre la puce à l’oreille, on trouve un titre en quarante secondes montre à gousset en main, deux remixes, et roulez jeunesse.

Pas de chance, "Why Are We not Perfect" traîne les mêmes casseroles que je m’amuse à faire retentir à chaque fois. Je serai donc bref, histoire d’être le moins laborieux possible : c’est cher, ça dure vingt minutes, scandale. En plus, tenter d’expliquer pourquoi la race humaine est imparfaite en un quart d’heure et des brouettes, c’est un peu ambitieux. Tout ceci montre à quel point j’ai une foi totale en la chose avant même d’avoir déchiré le plastique protecteur (ce qui m’a pris environ cinq minutes, soit un tiers du CD).

N’espérons absolument rien d’ébahissant. Rien. Cet EP est constitué d’une musique tellement entendue chez JESU qu’il laisse apathique, comme si un calque avait été appliqué à "Conqueror" et à "Silver", comme si la tambouille préparée à l’occasion avait laissé plus de la moitié de restes et qu’il fallait les resservir le lendemain et le surlendemain, de peur de gaspiller. Et pas d’indigestion de prévue, le repas étant chaque soir frugal. Seule une mine désabusée à l’idée de rentrer du travail avec la même soupe dans la gamelle. Et une mine neutre le ventre tout juste rempli, les papilles désensibilisées par l’habitude, la salive absente.

Un JESU mou et sans prise de risque, portant l’objet à la force seule du son et de sa production en béton, se révèle presque capable d’endormir plus vite qu’un anesthésiant. La batterie froide ne sauve d’ailleurs rien, noyée sous un chant plat comme les Pays-Bas et un joli son de guitare occupant un large volume sonore (parlerait-on de sustain ?). Et toujours ce même mélange entre électro et shoegaze, ennuyeux ici, comme des bribes d’inspiration, comme un avant-goût du talent de Broadrick, comme une démo de Final Fantasy XXVIII à la Japan Expo. On atteint là un niveau supérieur de délicatesse, fabriquée davantage par un son que par un souci de composition. C’est la raison pour laquelle les deux remixes relèvent honteusement l’intérêt d’un EP en soi pas lamentable, mais participant au débordement d’activité du groupe. Et l’activité du groupe, ça fait presser beaucoup de carton et de CDs. Et ça coûte tout ça. Alors si je peux les aider à réduire leurs coûts en faisant un tri un peu sévère, ils m’enverront peut-être un de leurs fameux exemplaires introuvables.

On aura bien du mal à tracer une ligne d’évolution de la musique de JESU au vu des sorties qui s’emmêlent et s’amoncellent et des morceaux qui ne respectent pas de chronologie particulière. Je crois que ça ne m’intéresse plus. Et quand ça devient trop mollasson, de toute façon, je perds patience.

« Ah ok, le gars il révèle à la fin de sa chronique que c’est un amateur de musiques bourrines, et on le laisse parler de JESU. »

*clin d’œil*