Le tribunal entre. Les prévenus se lèvent pour entendre le jugement. Le président, avant de s’assoir et de lire le verdict, jette un bref regard à ses collègues magistrats, puis en direction du box des accusés, avant de commencer sa lecture.

Attendu que le dit groupe EISHEILIG, provenant de Germanie, est un quatuor.
Attendu que ce groupe est déjà en activité depuis l’an de grâce 1998.
Attendu que depuis cette date, il a récidivé à plusieurs reprises et a commis plusieurs albums. A titre de rappel, nous signalerons devant la cour un premier méfait en l’an de grâce 2001, que les accusés n’ont pas hésité à baptiser de leur propre nom, à savoir, "Eisheilig" !

La foule murmure alors et un brouhaha s’instaure dans la salle. Le président lève les bras et enjoint la populace à se calmer. Après quelques minutes, le silence revient.

Attendu que leur casier n’a cessé de s’allonger depuis, avec d’abord un méfait commis en l’an de grâce 2003, intitulé "Die Gärten des Herrn", puis un troisième dénommé "Elysium"….
Ensuite un quatrième en 2007 dénommé "Auf Dem Weg In Deine Welt", et encore un autre cette année, "Imperium", en 2009 !

Le public recommence à s’agiter…

Attendu que les témoins qui ont défilé à la barre ne s’accordent pas entre eux pour décrire les agissements du dit groupe. Les uns jurant qu’il ne faut voir ici que du Rock gothique. Les autres prétendant qu’il ferait du Metal industriel. D’autres encore soutiennent qu’il s’agirait d’une sorte Rock-Metal électronique. Devant ces témoignages contradictoires, la cour ici présente serait plus encline à croire que le dit groupe hésite entre ces divers genres sans s’en accaparer un plus qu’un autre.

Le public réagit par des exclamations d’étonnement et d’indignation en même temps... Le président attend sans rien dire que la foule se calme à nouveau, et d’un geste théâtral, reprend sa lecture.

Attendu que EISHEILIG, contient en son sein le sieur Dennis Mikkus, chanteur de son état, dont la voix s’avère particulièrement caverneuse.
Attendu que ce dernier a tendance à rouler les « rrrrr » de façon outrageuse et intentionnelle.
Attendu qu’il adopte la plupart du temps un ton guttural, lent et souvent à la limite du ridicule.
Attendu que les paroles proférées par EISHEILIG le sont toutes en allemand, les rendant par là inintelligibles à la plupart de nos concitoyens, exception faite de la dernière chanson de langue anglaise intitulée "Now We leave". Cependant la cour doit admettre que ceci ne peut représenter un élément à charge à l’encontre des accusés car malgré tout, nombre de ces paroles sont identifiables même si elles semblent trop empreintes d’une certaine naïveté.

Attendu que EISHEILIG ressemble étrangement à un autre groupe connu sous le sobriquet de RAMMSTEIN, mais que d’après ce qui se dit dans des milieux hautement informés, il semble évident que EISHEILIG joue dans un registre plus gothique.

La foule s’anime à nouveau, et l’on entend un bourdonnement continu.

- Un peu de silence s’il vous plaît ! s’exclame le président.
Il empoigne fermement son maillet, et frappe 3 fois, parvenant finalement à tempérer les ardeurs de la foule.

Attendu que le groupe s’efforce de mettre en place dans leurs morceaux une ambiance que l’on pourrait qualifier de cinématographique, tout en essayant d’être martial, et qu’il utilise à de nombreuses reprises des chœurs majoritairement féminins.
Attendu qu’aucun des 9 morceaux qui composent cet album ne dépasse les 4 minutes trente.
Attendu que EISHEILIG souffle le chaud et le froid, en trompant l’auditeur en lui faisant croire que certains titres pourraient être plus rapides et énergiques qu’ils ne le sont, mais qu’en fait, ils retombent à plat comme des soufflés sortis trop tôt du four…

La populace se met alors à conspuer et protester de façon véhémente. Le service d’ordre tente de contenir une masse de plus en plus énervée.

- Silence ! Ou je fais évacuer la salle !
Le président martyrise à nouveau son maillet qui manque de lui échapper des mains.

Attendu que pour toutes ces raisons, la cour à aucun moment ne se sent embarqué dans un autre univers, ce qui assurément est préjudiciable aux accusés.
Attendu qu’en dépit des efforts des prévenus, la cour a manqué de s’endormir et a même ressenti parfois de l’ennui.

En conséquence, le tribunal composé de tous ses membres sains de corps et d’esprit, déclare solennellement qu’EISHEILIG aurait pu mieux faire et qu’ils devront s’amender s’ils veulent persister dans la voie qu’ils ont choisie. La cour les condamne donc à demeurer dans l’oubli pour une période indéterminée.

Le public devient alors incontrôlable, les uns applaudissant chaudement le verdict et les autres conspuant et huant la cour. Les deux parties commencent à se battre dans la salle. Le président devenu aussi rouge que sa robe de magistrat, ayant finalement achevé son maillet dont la tête a échoué sur celle de son greffier, a juste le temps de rajouter :

Le tribunal, dans sa grande mansuétude, estime que les titres "Erben Der Ende" et "Blut Der Wölfe" méritent d’être entendus !

L’audience s’achève alors dans une confusion indescriptible, et le public est vertement reconduit à l’extérieur du bâtiment...

1,5/5.