La petite histoire des Berlinois de CELAN est une tranche de vie comme les autres : deux types se rencontrent dans un bar, en l'occurrence les deux futurs leaders du groupe, échangent et se trouvent des affinités personnelles et musicales. Il n'en fallait pas plus ni moins pour qu'Ari Benjamin Meyers (REDUX ORCHESTRA) et Chris Spencer (UNSANE) s'unissent artistiquement et forment un quintette irrésistible dont le premier coup fumant est un petit éclair de génie «Post-traumatique » aux éclaboussures Stoner et Noise Rock.

L'album commence avec des babillages de fillettes, avant que "A Thousand Charms" n'entame sa lourdingue incursion dans vos enceintes. La voix de Chris Spencer happe tout de suite et semble fondue dans un moule parfait pour cette musique noisy à l'os. Mélange d'irrévérence, de colère et d'autorité, son timbre magnifie les cordes charnues de ses « partenaires du crime ».

"All This And Everything" et "One Minute" suivent avec leurs riffs lents et suintants, très sludgy et sévères. Somme toute assez simple, la structure de ces morceaux est rehaussée de samples psychédéliques qui permettent de tempérer une atmosphère croulante. En résulte une atmosphère ultra chargée pour du Post Rock, un peu rebelle, qu'on n'hésitera pas à qualifier d'expérimentale. "Weigh Tag" démontre cette envie des Allemands de repousser les frontières avec un synthé et une batterie nerveux et un riff quasiment pareil à "All This And Everything", ce qui donne un maelstrom des plus frémissants.

CELAN se fait plus subtil sur des titres comme "Sinking", sorte de valse intérieure aux pas légers, ou l'étrange instrumentale "Washing Machine", ambiante et sans groove. Parlant de groove, celui de "Train of Thought" se rapproche d'un Hardcore aux allures punks, déstabilisant à nouveau l'auditeur, qui ne sait plus à quel saint se vouer pour cerner l'identité réelle des musiciens. Et ce ne sont pas les samples de Meyers et les ronflements de basse infernaux de Phil Roeder qui agiront à titre de lampe-torche… Pas plus que le piano aérien sur lequel "Halo" se termine !

Les climats se font aussi parfois plus mélodiques ("It's Low") malgré une exclusivité presque réservée à la moisissure et aux vibes sombres. CELAN n'a pas imprimé des roses mourantes sur sa pochette pour rien, "Halo" n'est pas un album qui les fera se redresser. Loin de là. Il n'y a pas grand-chose de beau et souriant sous le soleil des Allemands. Ce qui risque toutefois de rayonner est cet enchaînement d'expérimentations sous ces nuages gris gerbant des orages aux explosions tonitruantes. La deuxième partie de "Lunchbox" en est un exemple probant.

Le hic avec cet alignement est qu'il est drôlement disparate. Et ça peut énerver un brin si on est du genre à rechercher une certaine cohésion dans tout. Ce n'est pas nécessairement mon cas, mais les passages atmosphériques durant quatre, cinq minutes, sur certaines plages, tranchent violemment avec les bastonnades décrites plus haut. Ils peuvent évidemment redonner un second souffle aux tympans, mais le groupe en a abusé quelque peu. Je le préfère malabar qu'éthéré.

CELAN est le résultat troublant d'une simple rencontre dans un bar entre deux individus, deux mecs qui se sont trouvé des affinités personnelles mais davantage musicales. Leur "Halo" les encercle et les protège des intempéries et du phénomène du « jeter après usage », car cet opus renferme des trucs à manipuler adroitement. Le genre de marchandise qu'il faut étudier, regarder, analyser, avant de la foutre aux poubelles, c'est-à-dire derrière votre rangée de disques favoris. Assurément une curiosité.

Les morceaux qui tuent : "A Thousand Charms", "All This And Everything", "It's Low" et "Train of Thought"

Les morceaux qui lézardent tendrement : "Sinking", "Washing Machine", "Lunchbox"

Note réelle : 3,5/5.