Après un premier album étonnant, SKILTRON veut enfoncer le clou. Et pour forcer la chance, plutôt ingrate quant il s’agit de propulser les formations surgies de nulle part et appuyées par un label inconnu, décide de produire un successeur plus accessible. Sur « The Clans Have United, SKILTRON était l’orchestre d’avant la bataille, prompt à motiver les troupes, faire jaillir dans les cœurs l’étincelle de rage et de détermination nécessaire pour repousser proprement l’ennemi, dans l’au-delà ou ses pénates selon le degré d’honneur ou de discernement opposé. Avec « Beheading The Liars », les argentins se muent en troubadours, délaissent les champs de bataille au profit des cours seigneuriales, accompagnent les jongleurs, acrobates et autres montreurs.
Ce heavy folk, on le connaît bien. ELVENKING nous en abreuve depuis quelques années.

Il y a bien quelques exceptions, des titres somme toute assez proches de l’essai précédent. « Beheading The Liars », par exemple, contient son lot de passages fédérateurs, tout comme « The Vision of Blind Harry » qui produit un mélange assez intéressant avec une rythmique très NWOBHM, des chœurs à la MANOWAR et des mélodies globalement entraînantes. Sur ces deux titres, on retrouve le SKILTRON d’avant, fait d’exhortations et de panache, avec tout de même quelques dentelles venues se greffer aux encolures des plastrons, comme en témoignent les mélodies travaillées et le côté raffiné évident. Mais cela reste globalement assez rugueux. Rien à voir avec les divertissants « I'm What You've Done » et « Hate Dance » proprement destinés à animer quelque réjouissance, ou « Calling Out », « Signs, Symbols and the Marks of Man » et « Crides », ballades de bonne facture à faire s’empourprer les joues de porcelaine des damoiselles à qui la perspective de consumer leur existence dans les bras d’un rustre - aussi crénelé de noblesse soit-il - prend aussitôt des allures de cauchemar tandis qu’elles s’imaginent partager la compagnie de ces musiciens itinérants.

Sur ce second album, SKILTRON s’incline, à l’instar de l’élève en quête d’une inspiration facilement accessible sur la copie de son voisin. Tant et si bien qu’il tombe dans les bras d’ELEVENKING. Proportions égales entre section heavy et instruments traditionnels, titres à la structure similaire, mélodies qui jouent des mêmes élancements. Pas de doute. SKILTRON n’est plus tout à fait le même et n’a pas cherché bien loin le modèle dont extraire la majeure partie de son inspiration. Dommage de constater un revirement somme toute inutile. « The Clans Have United » détenait assez de qualités pour qu’un prolongement naturel tombe sous l’évidence. Et avec la production solide manifestée sur « Beheading The Liars », les argentins en seraient sorti grandis. C’est vrai que SKILTRON compte dans ses rangs quelques instruments faits de bois et de cordes alors qu’ELVENKING laisse toute la responsabilité de la mise en musique des mythes et légendes à l’électronique. Un gage d’authenticité qui ne fait pas tout.

La séance des évals laisse donc le jury partagé. Sur la capacité à proposer des titres accrocheurs, la sentence produit un petit remue-ménage de hochements de têtes. « Beheading The Liars » fournit une matière longue à sonder grâce à de nombreux arrangements et une accroche sans cesse renouvelée. Par contre, estimer l’originalité d’une formation qui avait dès son premier opus proposé un style personnel ne produira pas de satisfaction similaire. Ce n’est plus tout à fait le même SKILTRON. La version précédente me convenait mieux.
Heureusement, grâce à des titres bien ficelés, un style maîtrisé et un chanteur qui vaut le détour, il y a de quoi contenter les appétits. En matière de heavy folk, SKILTRON est une formation satisfaisante qui, à mon avis, n’a pas encore montré toute l’étendue de son potentiel. Et si la solution tenait en un compromis entre les deux albums désormais à son actif ?

Note : 2,5/5.