Amateurs de Heavy épique, rangez vos satanés albums chéris d’IRON MAIDEN pour quelques heures afin de vous envoyer la sensation de l’heure : le deuxième album de CRESCENT SHIELD, combo niché à Los Angeles sous le bouclier lunaire du star système hollywoodien. C’est vrai quoi, quand on a fait plusieurs morsures à ce skeud, la bande à Bruce fait pâle figure… Hop et hop, j’ai capté toutes les tomates dirigées en ma direction, c’est raté ! Provocation à part, cela faisait longtemps qu’un album de Heavy flirtant avec le Power ne m’était autant tombé dans l’œil.

La raison est simple : cette musique est tout simplement merveilleuse. Pas parfaite, merveilleuse. Et soyeuse comme c’est pas croyable !

Tous les instruments semblent brodés d’or, de la batterie tranquille ou galopante de Craig Anderson aux cordes chaudement dégourdies, arabisées un brin, de Dan DeLucie. Les pièces coulent de source, rien n’est forcé, tout est bien dosé, de la voix puissamment magnifique de Michael Grant, à la basse de Melanie Sisneros. L’auditeur n’est jamais dérangé par cette production étincelante, chaque cymbale, chaque solo, chaque envolée lyrique est placé(e) stratégiquement pour que l’on soit avachi sur de gros coussins moelleux lors de ce voyage autour du monde... et dans le temps.

Le groupe traîne toujours une touche progressive, pas nécessairement dans le contenu, plutôt dans la forme. CRESCENT SHIELD sonne comme du vieux Prog/Folk radiophonique (la fin de "Lifespan" fait très « Woodstock ») doublé de Hard Rock lourdingue. Il pimente toutefois sa musique de riffs moyen-orientaux doucereux ("Under Cover Of Shadows", "10,000 Midnights Ago") ou rentre-dedans ("The Grand Horizon", "My Anger", "The Endurance", "Lifespan") afin de se forger une identité unique. Les mélodies éthérées du groupe déracinent le fan le plus averti et dépaysent le plus aguerri des globetrotteurs. Par exemple, la mandoline côtoie les accords gras et la guitare sèche sur "Temple Of The Empty" ! Cette richesse orgiaque est sans doute la plus grande qualité du combo, avec la justesse de ses compos.

Le chant de Michael Grant est la troisième surprise de l’opus. Clair, épique, aérien et terreux à la fois, il rehausse les arrangements de ses comparses avec panache. Sa performance sur "My Anger" est notamment remarquable. Je ne sais pourquoi, mais son timbre théâtral m’est familier. Si j’avais abusé de quelque substance, je dirais que j’entends les jeunes Peter Gabriel et Ozzy se chamailler pour le devant de la scène. Vous pourrez sûrement reconnaître d’autres vocalistes grâce à votre érudition légendaire, mais moi, j’ai arrêté là mes recherches mentales pour me concentrer sur la facture colorée et satinée des Américains.

Cette dernière est alambiquée à l’extrême quand on prend connaissance des thèmes abordés par CRESCENT SHIELD. Bêtes volantes, sorcières, science-fiction, massacres, fantômes, magie, s’entremêlent dans des odes héroïques nées de l’imagination fertile de ces artistes expérimentés. Tous ont déjà officié dans d’autres groupes Heavy traditionnels aux récits fantastiques (NEW EDEN, SECRET WISDOM). CRESCENT SHIELD est donc la convergence de leurs multiples influences, une espèce de « formation étoile » pigeant également ses idées dans la littérature, les paysages à couper le souffle, les rêves et les aspirations enfantines…

Le plus beau là-dedans est que le compte-rendu de ces ingrédients dépeint avec justesse l’univers intemporel et fantasmagorique de CRESCENT SHIELD. Le morceau "The Endurance" en est d'ailleurs l'échantillon parfait... La pochette très BD nous met la puce à l’oreille, mais rien ne nous prépare à un tel banquet sous les étoiles ! Wow ! Et c’est un festin pour les gens de tous les âges, pas seulement une élite à la surdité facile.

Je vous en conjure, consacrez quelques heures à "The Stars Of Never Seen" sous le couvert des ombres et ouvrez vos horizons.