Un line-up sans un sou de stabilité, un leader omnipotent qui aura eu maille à partir avec la justice norvégienne, quelques frasques scéniques, une des écritures les plus solides de la scène black, voilà TAAKE qui repart d'un nouvel élan après avoir achevé sa trilogie des runes.

Une ascension longue de sept ans couronnée par un troisième album qui tient de l'exception, je me posais une question : TAAKE sera-t-il capable de se réinventer ?
Réponse négative, TAAKE n'a pas changé. On aura beau retourner l'écoute dans tous les sens, rien ne poindra de réellement neuf. Attaché à une formule peaufinée depuis ses débuts, le groupe continue dans ce qu'il sait si bien faire, un black proche cousin d'EMPEROR, claviers en moins et tartiné de punk n'roll ultra costaud piqué chez le vieux DARKTHRONE, le tout servi dans un nouvel écrin toujours plus noble, de ce noir brillant si caractéristique de l'artiste.

Voilà pourquoi l'absence de grande innovation se veut moins cruelle que chez beaucoup. Voilà pourquoi, suivant son lignage aristocratique, "Taake" nous affirme que TAAKE reste un roi, un roi dont la couronne brille autant que celle de la scène du début des années 90 et qui ne doit son léger déficit d'image qu'à une arrivée tardive. Débarqué longtemps après les premières batailles et les premiers feux, TAAKE n'accèdera jamais au rang de mythe. Peu importe, le black a vécu comme phénomène, il vit aujourd'hui comme courant musical ni plus ni moins banal que les autres. Et Hoest peut se prévaloir de figurer parmi les tout grands, à défaut de taper la discute avec les dieux du Valhalla.

Alors, une seule pique saurait affaiblir la position du maître. Mais quelle pique ! Déjà riche de trois albums jouant à touche-pipi avec la perfection, la discographie de TAAKE a-t-elle foncièrement besoin d'un nouvel article qui n'a pas grand-chose à envier à ses prédécesseurs mais qui n'a pas non plus grand-chose à faire valoir pour leur faire la nique ?
Pire, le risque naît de voir se transformer un de nos troubadours préférés du côté sombre en un fonctionnaire du rock dur, un fonctionnaire qui aurait troqué sans même s'en apercevoir son don originel pour une hyper efficacité routinière, un fonctionnaire le cul en plein sur ses lauriers grandioses, un grand patron de Bergen Rock City dont on peut prédire l'apparition toute proche d'un petit embonpoint.

Revoyons brièvement nos classiques. EMPEROR a très vite caressé les fesses du death metal pour ensuite tourner progressif, BURZUM se l'est jouée indus, IMMORTAL a bandé heavy, ULVER […], ENSLAVED a connu la plus parfaite des mutations psychédéliques, SATYRICON a tout essayé, même DARKTHRONE a su varier sa formule dès ses premières années, TAAKE ne serait-il pas en train de commettre une erreur stratégique en ne changeant rien ? Pensait-t-il véritablement continuer son ascension et dépasser le sommet baptisé "Hordalands Doedskvad" en avançant en ligne droite ?
L'histoire se veut certainement plus simple et tellement moins prétentieuse. On rêvait d'un nouveau challenge, on découvre un coq en pâte, un géant au repos, qui profite et vit de ses rentes. Rendez-vous au prochain épisode pour assister à un retour de l'ébullition, espérons-le.
Et sinon ? Tant pis.