Tout étriqué dans sa production de 1991, MORDRED, cet étrange acteur de la scène thrash californienne, revient un an plus tard avec un peu d'épaisseur dans ses valises. Est-ce cela ou le mini-hit radio "West County Hospital" qui fera de "Vision" le chouchou des fans du sextette ? Les deux raisons ne sont finalement que la conséquence d'une nouvelle maturité qui accroît instantanément l'intérêt porté à un artiste au patronyme totalement incohérent. La rencontre entre Mordred, chevalier fameux des légendes Arthuriennes et la funk, ne peut provenir que de l'effet d'un bang mal dosé. De toute manière, MORDRED n'a jamais rien compris au music business et a toujours préféré foncer droit dans le mur, un mur pris en pleine poire par quatre fois. "Vision", c'est l'histoire du troisième mal de crâne.

Alors pourquoi ce nouvel échec? Pour une fois, on n'en voudra pas à la matière musicale, consommable avec bien moins de réticences que par le passé. Six titres sont une bonne idée, le risque d'éparpillement devient moindre. Et la qualité de l'écriture ne se noie plus dans le n'importe quoi des influences. C'en est fini du thrash qui encombrait la caboche d'un artiste qui avait grand besoin de faire un bon ménage cérébral. Et une fois le virus éliminé, la musique retrouve la santé. Ça rappe toujours sans grande originalité mais Aaron Vaughn, DJ critiquable par ses interventions peu inventives sur "In This Life", a gonflé le ballon d'oxygène pour s'aérer les neurones. Quel progrès en une courte année, on se sent vivre une nouvelle décennie sonore. La batterie développe encore un peu son appétit de fusion saccadée, les guitares n'ont rien perdu de leur phrasé.

Fonctionnant autour d'un répertoire toujours vaste, MORDRED parvient à jongler entre les styles avec une habileté qu'il n'y a pas lieu de qualifier de nouvelle, tant elle se laissait déjà palper sur "In This Life", plutôt de nouvellement maîtrisée. MORDRED en 1992, c'est moins foufou. Léger, sautillant et cependant metal sur "In Time", un esprit bicolore accentué par des guitares plus puissantes encore sur "Vagrant", un esprit bicolore assombri sur "Reach", sacrément rap metal sur "Close-Minded". Il y a enfin "Vision" et son mix expérimental (le volubile Scott Holderby s'époumone dans un murmure et l'effet est plaisant) et surtout ce "West County Hospital" qui fera les beaux jours de la compilation "Crossover" censée regrouper, à l'image de la double brochette death de "Masters Of Brutality" la quintessence de la fusion du début des années 90. Et tout nous venait directement de la Fnac. Le magasin de disques ? Carrément le label. "West County Hospital", un véritable petit tube qui sent aussi bon la plage que l'asphalte transpirante.

Il n'est pas bien grand, il est plutôt tout mignon, il aime la chaleur de l'été avec un fond de brise pas désagréable. Il ne préfigure en rien d'un prochain album qui verra l'orchestre modifier considérablement sa formule et se suffit donc à lui-même. Une chouette escapade dans une fusion à l'accent légèrement white trash qui devrait plaire aux amateurs des diverses facéties musicales de Mike Muir (SUICIDAL TENDENCIES et autres INFECTIOUS GROOVE), capables de supporter un metal allégé, riche en funkitudes…et passablement méconnu.