L'histoire nous dit que MORDRED n'a jamais connu le succès qu'il méritait à cause de sa localisation géographique. Issu de la Bay Area, véritable pépinière du thrash américain des années 80, il se serait laissé étouffé par une scène à laquelle il n'a jamais véritablement appartenu et qui eut tôt de vouloir se débarrasser d'un énergumène incapable de tenir en place. Il est vrai qu'étiqueté thrash à ses débuts, MORDRED a toujours plutôt lorgner du côté de la fusion tout azimut et aurait mieux fait de côtoyer le même bac à sable que RED HOT CHILI PEPPERS, FISHBONE, DAN REED NETWORK, LIVING COLOUR ou FAITH NO MORE (c'est bon, je les tiens tous ?). Les deux premiers ont situé leur quartier général à plusieurs centaines de kilomètres au sud dans la cité des anges, le deuxième au nord dans le vert Oregon, le troisième vit à un continent de distance, en plein New-York. Pourtant, Jim Martin, Roddy Bottum et consorts achètent bien leur packs de coca au même Seven Eleven que le sextette fou. L'histoire oublie donc l'essentiel et préfère certainement taire le problème principal de MORDRED, son manque de cohérence artistique.

Oui, MORDRED est donc un sextette, imaginez le bordel. Deux guitaristes, une basse, un chanteur qui aurait pu faire l'effort d'utiliser ses doigts afin de désengorger la scène, une batterie et un clavier. Rien de bien original, on dirait du metal progressif. Simple souci, MORDRED, ce n'est pas du metal progressif et les musiciens, aussi compétents soient-ils seraient bien incapables d'en jouer. De plus, le clavier, pourtant nommé de cette façon, ne s'exerce jamais au solfège, il achète des vinyles d'occasion.
Un DJ ? Quel précurseur génial.

C'est vrai, MORDRED est un précurseur, les idées fusent au sein d'un orchestre multi-tâches. Pensez donc, du funk, de la vraie fusion, du rap, de la power ballade…et tout de même quelques pains perdus dans la plus pure veine thrash metal. Mais osera-t-on critiquer ouvertement cet artiste ô combien méritant, ô combien sympathique, ô combien fouillis dans ses volontés ? Il le faut bien sous peine de se mentir à soi-même.
"In This Life" débute par un joli phrasé à la basse, rapidement doublé d'un solo de guitare très guitar hero dans l'esprit. Puis déboule un riff thrash pas totalement convaincant et appuyé par une rythmique incroyablement lourde et fusionnante. Le chanteur rappe…à moitié. Des chœurs très skate-rock s'invitent à la fête. Et tout ce méli-mélo gigote sur une production terriblement faible. Il est vite compris que la digestion d'un trop-plein d'influences ne s'est pas encore terminée.

Mais tout de même, belle fouille archéologique que ce disque dirigé par des musiciens compétents (le bassiste et les guitaristes sont particulièrement à l'aise à leurs postes) et qui transpire de fulgurances adorables. Un schéma à la PARLIAMENT à ma gauche, un refrain malin à ma droite, plus loin une cocotte dansante, un petit coup de boost ensoleillé au fond… Reste ce DJ encore perturbé par l'avancement modeste de la technique liée à l'utilisation de son instrument. Nous sommes dans les années 80 et trop souvent, les platines ne font que scratch. La révolution du son qui donnera au hip hop des années 90 son ampleur et lui fera pousser une branche instrumentale et mélodique chère à DJ Shadow est à peine en gestation. C'est sympa mais ça sent parfois le simple gadget.

Sympa, la note l'est aussi, on est entre potes, on va éviter de se faire des crasses mais on attendra un peu avant de devenir totalement fan de MORDRED, d'accord ?