M'est avis que ces derniers temps (enfin, depuis une bonne dizaine d'années quand même), si l’on rêve d’un renouveau pour le black metal, il est judicieux de se tourner régulièrement vers l’est. En témoignent de nombreuses chroniques sur ce site, les pays scandinaves commencent à avoir des concurrents de tailles vers les ex-pays socialo-communistes. Notamment en Ukraine, où les illustres DRUDKH ou HATE FOREST ont à chaque nouvel album marqué des temps forts du métal extrême.

Petit nouveau chez CCP RECORDS, TRIGLAV est-il au black symphonique et épique ce que ses deux congénères sont au "drone black metal" (les étiquettes à la con quand même ...)?
Je n'irais pas jusque là. Deux ans de travail aura fait naître un When The Sun Is Rising Above The Earth aux compositions mûres et efficaces, mais dont la personnalité reste encore à affirmer (ou confirmer).

Chez TRIGLAV, on fait dans le grandiose. On emprunte beaucoup au black metal, mais on ne se cache pas d’apprécier assez le speed metal. On met en avant de grands claviers symphoniques, avec une préférence pour des paysages médiévaux et féeriques, et on affiche influences néo-classiques et touches folkloriques. Imaginez les nappes de claviers onctueuses et les lumières oniriques d’un FAIRYLAND avec un tempo plus soutenu et des vocaux extrêmes (qui manquent un peu d'envergure d'ailleurs).

Petit hic, dans les grands passages épiques, les guitares semblent se targuer un rôle uniquement décoratif. Claires comme de l'eau de roche que la neige a recouverte de son manteau glacial, on a finalement la même impression que quand on ingurgite de la crème fraîche sans les fraises qui vont avec (et avouons que les fraises sans crème fraîche, c'est déjà meilleur que l'inverse). Abusive autant que honteuse, cette comparaison ne servira à rien pour celui qui connaît ses mêmes redondances chez BAL SAGOTH ou EQUILIBRIUM : la surenchère de sonorités artificielles bavardes et parfois surfaites n'est finalement pas uniquement le bien de nos chers Ukrainiens*. La production, qui manque également pas mal de puissance et de profondeur n'arrange certainement pas la chose non plus. On regrettera également une boite à rythme un peu trop en retrait, et dont les "cymbales" semblent trop automatiques. Cela dit, les riffs sont de manière générale plutôt efficaces.

(*Private joke à un ancien camarade : pourquoi j'ai l'impression qu'il y a un schtroumpf qui s'indigne quelque part en France ?)

Et cela redit, les problèmes de son et de production (qui pour certains n'en seront pas) deviennent factices une fois que nous nous retrouvons pris dans la tourmente. TRIGLAV démontre un vrai potentiel pour écrire des morceaux épiques de haute volée, où les envolées épiques côtoient des breaks folks ou atmosphériques loin d’être téléphonés, où le chant black côtoie des chants clairs très typés « speed metal » (ça nous changera des habituels chœurs vikingo-païens), et où la langue de Shakespeare côtoie la langue de ... euh ... des ukrainiens.

A l’écoute d’un « Through A Battle Of Life », longue démonstration de 11 minutes qui concentre à elle toute seule tous les éléments cités en haut (ce chant clair merveilleux, cette trompette saisissante, quasi SEAR BLISSienne), me vient à l’esprit que même si TRIGLAV n’a pas encore la justesse d’un ABIGOR, la personnalité d’un GOLDEN DAWN ou le culot d’un BAL SAGOTH, il pourrait bien leur faire un jour du coude à coude. En attendant, When The Sun Is Rising Above The Earth tire son épingle du jeu, et c'est déjà pas si mal.