Sans doute un peu grisé par le succès de son premier disque solo – Ready or Not – Lou Gramm quitte Foreigner en 1989. Avec Mick Jones, c'est la fin de la belle entente : ils ne peuvent plus se supporter alors même que le groupe est en plein marasme artistique. Certes, le succès commercial, bien qu'un peu tassé, ne s'est pas démenti, notamment grâce au tube « Say You Will », un truc plein de synthés visqueux comme on les aimait à l'époque. Mais le cœur n'y est plus. Après douze ans et six albums, Foreigner perd son chanteur. Jones embauchera un remplaçant retombé dans l'oubli, le temps d'un disque raté quelques années plus tard. Gramm, pour sa part, sort dès 1989 son deuxième – et dernier – album solo, Long Hard Look. Tout simplement le même que le précédent, mais en moins bien. Le même style, les mêmes chansons ou presque, la même équipe – Turgon et Lofgren en tête – que sur Ready or Not. Et un producteur prestigieux (?) en la personne de Peter Wolf, un ancien de chez Zappa, requin de studio et futur producteur (voire co-auteur) de l'inénarrable et terrifiant Eye II Eye de Scorpions en 1999.

Mais ce qui faisait l'intérêt de Ready or Not s'est un peu évaporé : les mélodies vocales envoûtantes, l'urgence hard rock des compositions, l'équilibre entre les ambiances, tout cela a disparu. Et le symbole de cette évolution est bien sûr le petit tube du disque, « Just Between You And Me », qui connaîtra une carrière honorable dans les charts. Tout comme l'avait fait « Midnight Blue » tiré du précédent album solo de Gramm. Mais la différence entre les deux morceaux est considérable : en 1987, Lou Gramm avait connu le succès grâce à une chanson assez rock et rythmée, tandis que cette fois, c'est une sorte de ballade pop et mièvre. Et l'ensemble du disque sonne d'ailleurs un peu fade, un peu mielleux : avec « True Blue Love », par exemple, qui est un mid-tempo pas trop méchant, efficace mais aussi un peu mou et gentillet. Et le problème est surtout que lorsque la guitare de Lofgren parvient enfin à s'imposer et à durcir le ton, l'intérêt n'est pas forcément éveillé. Ainsi les honnêtes « Angel With a Dirty Face » ou « Hangin' on My Hip » sont clairement rock, mais sans être non plus très passionnants.

Sur ce second album solo, il y a donc quelques ratés et approximations auxquelles échappait Ready or Not. Pire, il n'y a toujours aucune évolution, aucune tentative – même infime – pour apporter une seule touche d'originalité à la musique proposée. C'est triste à dire, mais cette fois, Lou Gramm et ses acolytes tombent dans l'écueil qu'il leur fallait absolument éviter – ce qu'ils avaient réussi à faire sur le premier disque –, à savoir verser dans une sorte de sous-Foreigner, avec des ballades assommantes agrémentées d'un rock FM inconsistant. Exactement ce que fera Mick Jones de son côté, le temps d'un Unusual Heat misérable. La seule différence est que Long Hard Look sera un succès (modeste mais réel), ce qui incitera Lou Gramm à monter deux ans plus tard son propre groupe avec Bruce Turgon : l'éphémère Shadow King. Mais il n'y aura plus d'autres disques solos, d'autant que de graves problèmes de santé tiendront Gramm à l'écart des studios à la fin des années 90. Restent deux albums, l'un très bon, l'autre moyen, comme seuls témoignages de l'incapacité d'un grand chanteur à évoluer et à surprendre.