“Edge Of Thorns”, “Handful Of Rain”, “Dead Winter Dead”, “The Wake Of Magellan”... quatre albums studios, et autant de merveilles de Heavy Mélodique et classieux... autant de repères incandescents jalonnant l'histoire métallique d'un carré de pépites, répercutant la lueur magique d’une voix... une très grande voix, celle de Zak Stevens, l’homme qui eut la très lourde tâche de succéder au fantastique vocaliste Jon Oliva, incarnation même de la passion... Jon Oliva, le « Mountain King », mentor et tête pensante de SAVATAGE. Et Zak Stevens d’élever ainsi son nom au rang prestigieux d’orfèvre du Metal, apportant à SAVATAGE une voix en mesure de relever ce formidable défi... tâche dont Zak s’acquitta avec brio, jusqu’à ce qu’il choisisse de s’éloigner de la musique, négociant la trajectoire d’une vie familiale alors jetée dans l’ombre par ces lumières éclaboussant les scènes et planches du monde entier.

... mais le virus du Metal ne s’éradique pas sur le mode de l’exil ! Et Zak Stevens d’opérer un grand retour en 2003 sous l’entité CIRCLE II CIRCLE, avec l’album "Watching In Silence", au sein d’une formation toute fraîche où résonnait son superbe timbre de voix, vibrant d’une puissance, d’une chaleur et d’une charge émotionnelle passée au tamis de la maturité, retenant dans ses rets toutes les scories grêvant tant de gosiers. Un premier essai qui, aujourd’hui, acceuille un successeur : « The Middle Of Nowhere »... et l’ombre de SAVATAGE de s'insinuer de nouveau au coeur des plis et replis de ces soixante minutes d’un Heavy Metal cumulant moultes qualités mélodiques badigeonnées de soins, tout en accueillant avec enthousiasme la vigueur de riffs plombés et autres rythmiques dansant sur le fil tendu au-dessus des mondes Heavy et Power.

Dix morceaux sont au programme de ce deuxième essai solo de Zak Stevens, dix compositions soignées, présentées dans l’écrin d’une production impressionnante et n’omettant aucun instrument, jusqu’à la basse qui s’y taille une place rarement concédée dans la sphère Metal... Alors certes, il y a du SAVATAGE dans ces titres, c’est certain... comment pourrait-il en être autrement, lorsque l’on sait que Chris Caffery et Jon Oliva, guitariste et claviériste–chanteur respectifs de SAVATAGE, ont chacun travaillé sur les compositions avec Zak, Chris participant de trois d’entre elles, Jon contribuant aux sept autres ? La différence se joue alors dans la forme, les titres écrits pour CIRCLE II CIRCLE adoptant une posture plus classique, moins sérieusement pompeuse et luxuriante que les compositions ayant fait la gloire de SAVATAGE, tout en décochant l'un ou l'autre clin d’œil porteur d’une patte trahissant la filiation : "In This Life", qui ouvre l’album, jouit d’une splendide intro veloutée et typiquement SAVATAGE, le riff d’ouverture de "Hollow" n’est pas sans rappeler l’époque « Streets » et des morceaux comme "You’re Alive"... la superbe composition titre, quant à elle, convoque un effet de style propre à SAVATAGE, avec sa touche dramatique honoré d’un final en canons.

Que l’on ne se méprenne pas ici : CIRCLE II CIRCLE n’est pas un auxillaire obéissant de SAVATAGE. Zak Stevens puise en ce dernier une coloration raffinée qui vient embellir une trame musicale forte de riffs accrocheurs en diable, de lignes vocales impeccables et autres refrains mémorables... et l’on aurait tort ici de minimiser les qualités de la formation - totalement renouvellée - rassemblée autour de Zak Stevens, tant les musiciens élus s’avèrent magistraux... avec une mention spéciale aux deux guitaristes qui nous gratifient de solos impressionnants et dépassant fréquemment la minute.

Avec ses moments intenses multiples succédant aux accalmies, la force de ses riffs apaisés par la délicatesse de l’acoustique, « The Middle Of Nowhere » se présente comme une franche réussite, abritant morceaux épiques (un complexe et mordant "Open Season" habillé d’un solo travaillant des teintes noircies, les magnifiques, mouvants et très savatagiens "In This Life" et "The Midddle Of Nowhere"), tubes en puissance ("Cynical Ride" est irrésistible avec sa basse au groove contagieux réhaussé d’un refrain excitant, l'enchaînement du vivace et presque truculent "Hollow" et d'un haletant "Psycho Motor" anime le coeur du disque, et le puissant single "All That Remains" étonne avec ses accents Power léchés et des lignes vocales entêtantes), et quelques compositions qui, pour moins percutantes puissent-elles être, possèdent toutes leur touche spéciale, un grain de personnalité leur octroyant un cachet de qualité, et désignant à leur endroit une place méritée sur le disque sans que l’on puisse arguer du "bouche-trou" (le festival d’harmonies traversant la tranquillité apparente d’un "Faces In The Dark" s’agitant au son d’une accélération bienvenue, "Holding On" et sa rythmique chaloupée, martelée par une batterie tout en floraison de breaks, la caresse complètement accoustique du final "Lost").

Pas de déchet donc sur cet album remarquable. On pourra simplement pester contre sa pochette presque indigente... mais ce serait là faire preuve d’une pointe mesquine, entamant le travail d’un Zak Stevens persévérant dans l’enfantement d’un Metal passionné, très loin de s’enticher de molesse, et pénétré d’une énergie sollicitant le respect. Bel album, Monsieur Stevens ! Nous n’en attendions pas moins de vous !