Les genres musicaux même les plus insoumis subissent eux aussi les modes que ses acteurs n’ont pourtant de cesse de critiquer. Le Black Metal viking, que vous appellerez pagan metal si vous souhaitez paraître à votre avantage dans les soirées les plus huppées, est victime d’une tendance visant à rendre ce style encore plus underground qu’il ne l’est déjà, et cela pour de très mauvaises raisons. En effet, de plus en plus de formations revendiquent haut et fort leur origine, ceux annonçant une nationalité peu commune gagnant vite les faveurs de fans soucieux de se démarquer de leur voisin de palier par un appétit démesuré et parfois artificiel pour une musique la plus confidentielle possible. Mais la majorité confond malheureusement souvent ce hissage de couleurs avec le colportage d’une idéologie fasciste et tourne rapidement le dos à toutes ces formations avant même d’avoir écouter une note de la musique qu’ils proposent. Tâchons de ne pas oublier que nombre de symboles utilisés pour donner du caractère à une imagerie tirée du folklore local, parmi lesquels la classique croix gammée, stylisée de diverses manières selon les contrées, furent en leur temps détournés par les idéologues des pires régimes et que leur utilisation n’est pas forcément un signe d’appartenance à un quelconque mouvement fasciste, encore moins raciste.

SKYFORGER fait partie de ces combos peu connus et à tort étiquetés nsbm (national socialist Black Metal). Le dernier album de ces Lettons consiste en une interprétation de thèmes du folklore de leur mère patrie ainsi que de quelques morceaux composés par le groupe lui-même et revisités à la sauce traditionnel. Ce genre d’opération n’est pas nouvelle mais mérite toujours quelques compliments puisqu’elle reste le plus sûr moyen de faire découvrir à quelques-uns un univers musical différent et de rapprocher deux mondes il y a encore peu considérés comme antinomiques.

Cette sympathique entreprise n’est pourtant pas exempte de défauts. Les chants lettons aussi, pittoresques et virils soient-ils, apportent une couleur dénuée de nuances et leur prédominance empêche les instruments de correctement s’exprimer. Triste constat car lorsque ceux-ci prennent le pouvoir, le résultat est concluant. Migla, migla, rasa, rasa débute par une flûte locale magnétique et les voix s’accommodent parfaitement de cordes et de percussions baltes enrichissant un propos qui, sur d’autres morceaux, s’avère monocorde et fastidieux. Kur tu jasi balelini est un autre exemple visant à regretter que les dernières chansons soient aussi les meilleures et les mieux nourries. Mais après tout, si l’esthétique de zobena dziesma ou parkiuns vede vedeklenu n’est pas totalement convaincante, leur authenticité les sauve de la noyade.

En creusant un peu plus, il est aisé de s’apercevoir qu’une orchestration plus ample, plus fouillée et une production moins aseptisée (serait-ce la mauvaise habitude que j’ai pris à écouter des disques terriblement sales qui m’empêche de digérer des plats moins épicés ou simplement plus propres?) aurait fait de ce disque un régal pour les papilles des plus ronchons. Mon cœur balance donc entre déception face à une attente peut-être trop grande et plaisir auditif incomplet mais réel. Peu au fait de l’univers de la musique traditionnelle, il serait tout de même mal venu de critiquer trop fortement une œuvre dont je ne saisis pas forcément toute la portée.