- C'est bon, c'est fait.
- Comment ça, c'est fait ?
- C'est fait, SKYFORGER a pondu un vrai bon disque.
- Mais il n'était pas si mal que ça, "Latviedu Strclnieki", non ?
- Pas mal mais pas bon, tu liras la chronique.
- Et là, c'est vraiment mieux ?
- Et pas qu'un peu.
- Ça veut dire quoi, un vrai bon disque ?

Dans le cas de SKYFORGER, un vrai bon disque, c'est un disque bien produit. Pas foncièrement à l'aise dans le glauque ni le putride, l'orchestre a besoin de bien faire péter les guitares, de sentir la bouche du chanteur pas trop éloignée d'un micro suffisamment ouvert, d'entendre frapper fort sa section rythmique. Et "Perkonkalve", co-baptisé "Thunderforge" pour briller à l'international, fait étal de tous ces attributs salvateurs. Oui, SKYFORGER est sauvé. Il a quitté sans l'aide de personne les marais de la médiocrité. Et bien sûr, la production brillante de l'album n'y fait pas tout mais quand même un peu.

Il existe deux domaines dans lesquels SKYFORGER a incroyablement progressé :

Le folk qui a toujours constitué la charpente de sa musique tient mieux debout que par le passé. Il aurait été trop facile de multiplier les échanges acoustiques sur instruments improbables, une guitare à trois cordes avec caisse en ornithorynque, le fameux Grumbru Sokoko utilisé par les troubadours du prince Kaka XXVI avant l'invasion suédoise, une guimbarde mécanique qui fonctionne à la banane verte, le Trumulu Flifli Les Couilles, popularisée dans le pays après l'expédition du grand explorateur Johnny Johnny Raskolnikov, j'en passe et des plus débiles. Non, quand SKYFORGER fait du folk, il le fait guitare électrique en main. Et la flûte, les chants mâles et ses quelques collègues exotiques ne supportent pas seuls le poids d'une étiquette qui pèse lourd dans le caractère des Lettons.

L'écriture, rien de moins que ça. Dix plages au caractère différent, qu'on distinguera aisément comme ce ne fut pas toujours le cas dans les épisodes précédents. Heavy festif sur "Kad Usins Jaj", plus speedé et groovy sur "Gada Isaka Nakts", naturellement sombre et retrouvant son penchant black sur "Nakts Debesu Karakungs"…

Comme un peu d'exigence ne fait jamais de mal, il convient de souligner la nouvelle dimension prise par le folklore de l'orchestre. On y entendait autrefois une influence massive des voisins d'en face, à savoir des traces indélébiles de drakkars et casques à cornes. Alors quand on entend la douceur humide et verte de notre Bretagne nationale sur "Migla Migla, Rasa Rasa (Svetas Vedibas)", on est ravi de voir le discours piocher dans un vocabulaire plus vaste. Et pour peu que l'on connaisse "Zobena Dziesma", disque de chansons traditionnelles sorti avec l'aide de fonds gouvernementaux, on se dit que tous ces rappels venus de l'ouest ne sont que coïncidences et que le quintette de Riga a autant potassé son sujet que concentré son attention sur l'authenticité de son travail.

De toute manière, "Perkonkalve" sue avant tout le metal, un metal puissant teinté d'un brin de nostalgie eighties et dont le label « extrême » commence gentiment à se décoller pour laisser apparaître un autre épithète largement plus rassembleur : « noble ».
Un album noble, oui. Au souffle étriqué en fin de course mais tellement ample dans les premières foulées qu'on préfèrera surtout retenir celles-ci. Et donner au disque un petit coup de pouce étoilé.