Goat Horns était un disque assez abordable avec ses claviers symphoniques et dominants. To The Gates Of Blasphemous Fire, bien que plus brutal restait dans des limites connues. Нехристь (dont une traduction possible serait anti-christ et sa translittération officielle nechrist) dépasse, au contraire de ses deux frères aînés, les frontières admises. Le son des guitares prend un contour rugueux qui demandera une certaine adaptation. Mais si NOKTURNAL MORTUM cherche de manière assez évidente à rendre l’accès à son œuvre plus difficile et tombe dans un certain élitisme black qui rebutera les novices, le résultat est convaincant et sue l’authenticité.

Celle-ci est évidemment due à l’aspect folklorique qui domine la galette. Si dans la constellation folk metal, l’immense majorité des astres sont éclairés par une lumière synthétique parfois brillante mais toujours artificielle ou par de simples violons échappés d’un pub dublinois, cette étoile venue de l’est héberge des cors slaves qui annoncent l’ouverture de l’opus, des flûtes dansantes envahissant de nombreuses compositions, des chants traditionnels angoissants et même des bruits de nature ajoutant au pittoresque de l’ensemble. La production rustique nécessitera un temps d’adaptation dépendant de vos antécédents musicaux mais l’effort fourni sera vite récompensé, tant l’atmosphère à la fois chaotique et champêtre qui règne sur Нехристь vous séduira.

Knjaz Varggoth a expliqué que la ligne directrice de cet album venait des graves problèmes économiques qu’eut à faire face son pays à la fin du siècle dernier et de son rejet de la politique gangrenée par la corruption menée par les autorités ukrainiennes. Peut-on pour autant en conclure que la savoureuse plongée du groupe dans des racines culturelles profondes et celle moins ragoûtante dans un fascisme dur est la seule faute de Leonid Kuchma? Car je n’omettrai pas d’évoquer le fâcheuse tendance qu’a eu NOKTURNAL MORTUM ces dernières années à radicaliser son discours et à proposer une imagerie ne prêtant plus au moindre doute. S’il semble difficile de critiquer l’usage du Russe (et non de l’Ukrainien, les deux langues jouissant d’un statut à peu près équivalent dans le pays) pour l’écriture des textes du dernier album et si la pochette de ce même album peut passer pour un simple délire artistique, le groupe a signé, comme pour souligner ses convictions, une pétition demandant la libération du sympathique Hendrik Möbus, assassin, néo-nazi reconnu et fondateur du peu recommandable ABSURD. Cette pétition, disponible sur le site officiel de NOKTURNAL MORTUM, évoque le Sionisme en des termes que la loi et la morale condamnent. Pour ceux qui auraient manqué cet épisode, Нехристь se compose de quatre-vingt-huit plages. 88, chiffre à la longue histoire que je ne vous relaterai pas, sachez simplement que la huitième lettre de l’alphabet est le h. The End Records, lassé de véhiculer contre son gré un message de haine raciale, a d’ailleurs décider après la sortie de cet opus de rompre sa collaboration avec ces natifs de Kharkov.

Ce dernier paragraphe, aussi long soit-il, n’est que purement informatif et ne doit pas faire oublier les qualités de ce disque peu évident, au jusqu’auboutisme nullement artificiel et imprégné d’une personnalité unique. Нехристь est extrême et extrémiste mais ne tombe heureusement pas dans le même excès musical que conceptuel. Voilà pourquoi je le recommande chaudement.