Quelle métamorphose ! Le ANCIENT des premiers temps, assez cru dans sa présentation, a désormais fait place à une nouvelle entité, revêtant un son profondément modifié, bien plus rond et policé qu’auparavant, loin des atmosphères glauques et des appétits plus voraces des premiers jours.

De la batterie jusqu’au chant moins foncièrement inquiétant que par le passé, ANCIENT nous fait ici une démonstration de son talent pour la composition de pièces majestueuses et amples, parcourues de riffs plus nettement Heavy (« Lilith’s Embrace », « The Pagan Cycle », « Song Of Kaiaphas »), et même de quelques solos ma foi pas déplaisants. Grimm parti, c’est Lord Kaiphas (tout un programme…) qui reprend le micro, accompagné pour quelques vocalises féminines de la jeune Kimberly (oui, oui, celle qui mènera ensuite la barque SINERGY). Et si les interventions personnelles et éthérées de cette dernière agrémentent le disque, lui offrant même une de ses meilleures composition (« Lilith’s Embrace »), je ne dirai pas la même chose du chant de Lord Kaiaphas, mixé en avant, et un peu trop gargouillant et affecté à mon goût…

Cuirassé d’une très bonne production, aérée et soulignant la dimension emphatique des compositions (les riffs en nappes brumeuses d’Aphazel, typiques du Black, foisonnent ici, avec un côté « plein » assez étonnant il faut dire), ce « The Cainian Chronicle » souffre pourtant pour moi d’un défaut bien gênant : il est vraiment long et trop linéaire ! Seuls les trois premiers titres, réunis au sein du disque par un concept (« Le livre de Nod » qui évoque l’histoire de Cain et Adam), ménagent réellement un peu d’originalité, notamment avec ce côté Opera Black – les différents personnages intervenants se voient prêter une voix différente par Lord Kaiaphas et Kimberly. Mais sinon, nous devons systématiquement faire face à la même logique de composition : une structure principale tournant autour de riffs Black en suspension, ornementés d’une touche Heavy et atmosphérique, coupée ici et là par un break ou une maigre ligne de synthés pleine d’écho.

Bon c’est vrai, et je viens de le préciser, quelques accalmies viennent découper l’uniformité des compositions, tels les passages murmurés et la guitare en son claire de « Song Of Kaiphas », le break central excellent de « The Pagan Cycle » ou les courtes prises de pouvoir de synthés minimalistes sur « At The Infernal Portal » ou « Hommage To Pan »… mais tout ça n’est pas suffisant pour garantir l’adhésion totale de l’auditeur que je suis ! Et ce ne sont pas les deux sympathiques instrumentaux du disque (les atmosphériques « Cry of Marianne » et « Ponderous Moonlightening ») ou le tribal et malsain « Exu », véritable rituel sur fond d’orgasme diabolique, qui changeront grand chose à l’affaire !

Assez personnel dans l’interprétation d’un Black presque épique et finalement peu ténébreux, « The Cainian Chronicle » aurait vraiment pu être un excellent disque tant ANCIENT sait y faire pour développer les ambiances. Mais voilà, tous les titres (ou presque) se ressemblent, respectant une espèce d’atmosphère globale. J’aurais personnellement apprécié une dégustation plus variée, et il m’est ainsi difficile de venir à bout de l’heure que dure ce disque sans éprouver de lassitude ou sauter des pistes.

Mais bon , ne nous montrons pas trop médisants. Cet album reste agréable et bien foutu, très accessible, et parsemé d’éclairs de génie. Débarrassé de deux ou trois titres superflus, il aurait peut-être même gagné une étoile ! On se contentera donc d’un disque de Black sympathique, mais à découvrir néanmoins. Peut-être votre jugement différera-il du mien ?