Eorl Torht Tyrannus qui a toujours fait à peu près tout au sein de WARLOGHE nous revient quatre ans après le retour inespéré du groupe suite à la sortie sombre de leur troisième album "Three Angled Void". Et le bougre finlandais continue sa longue marche noire dans l’univers de la nuit, rien ou si peu n’a changé depuis les débuts de WARLOGHE. La constance des ambiances est quelque chose qui appartient à l’ADN de ce groupe aussi ténébreux que ses comparses d’HORNA, bien que le projet WARLOGHE soit volontiers plus abyssal et noirâtre. D’ailleurs, il ne me semble bien n’avoir jamais vu une quelconque couleur dans tout ce qui concerne WARLOGHE de près ou de loin. Toute l’esthétique de ce groupe – à l’image de sa musique – est informe, cauchemardesque et rarement attrayante. Et cela n’a jamais été le propos de Eorl Torht Tyrannus. Notoirement silencieux, il n’a jamais concédé proposer la moindre promotion, la moindre photo supplémentaire (hormis celle visible dans les livrets des albums), et ne parlons pas d’un quelconque concert, d’un réseau social ou de quelque chose d’autre pouvant faire étal des œuvres du sieur.

À l’instar d’Ornias de SVARTSYN dont je vous ai parlé récemment, Eorl Torht Tyrannus cultive son secret mais se contrefout du mystère et des fantasmes qu’il crée. Bien que comparé à d’autres groupes pour son atmosphère glaciale et hypnotique (citons les premières œuvres de DARKTHRONE, JUDAS ISCARIOT, les Suédois de ONDSKAPT, un peu des Américains d’INQUISITION, mais aussi les compatriotes de BAPTISM), WARLOGHE est davantage opaque et ésotérique que nombre de ces autres artistes. Je concède volontiers avoir perdu le fil de WARLOGHE depuis les années 2000, notamment après la sortie des brûlots infernaux qu’ont été et sont encore "The First Possession" (1999) et "Womb Of Pestilence" (2003). En même temps, une longue césure de presque dix-huit ans a séparé les compositions et la sortie finale du troisième album "Three Angled Void".

Alors qu’en est-il de ce nouvel album ? Eh bien il ne change pas la donne et, j’ai envie de vous dire, j’en suis très heureux. "Logos Of All-That-Ends" est aussi cru, primitif, froid, que les albums précédents. Son ambiance ésotérique et belliqueuse est prégnante et élève à nouveau ce Black Metal au rang de discipline spirituelle extrême. La production à nouveau Lo-Fi, sans tomber dans les travers d’un Raw Black inintelligible, soumet l’auditeur à un vortex haineux. Rien, à nouveau, au sein de cet album, n’est présent pour séduire son écoute. Aucune concession mélodique, aucune structure traditionnelle, ni refrain, ni accroche, WARLOGHE est avant tout là pour que vous subissiez ses ambiances étouffantes. Eorl Torht Tyrannus prend possession de nos êtres avec ses éructations possédées, la litanie maléfique de ses riffs dissonants, et des mid-tempo lancinants qui ont tôt fait de nous étouffer. Sa diction paraît provenir d’un lieu infernal tant elle semble nous assaillir et nous envenimer.

Mais si rien n’est lumière dans ce quatrième album, quelques passages pourtant concèdent exceptionnellement quelques envoûtements moins constrictifs ; cela donne aussi de nouvelles matières à explorer pour l’avenir. Je pense notamment à toute la seconde partie du titre "Grave Sentience" ou aux leads totalement habités démoniquement de "Austere Light Of Endless Abysses". WARLOGHE est fidèle à ses débuts. Rien n’a changé, rien ne changera et c’en est rassurant. C’est un groupe qui refuse l’auditeur occasionnel et ne le permet pas. Pour entrer dans la transe d’épouvante de ce nouvel album, il vous faudra concéder à une immersion totale et à une imprégnation besogneuse des ambiances proposées par ses grands frères de sang. À ce degré-là de noirceur, le Black Metal devient ce qu’intrinsèquement il doit être : un vecteur de rejet total, de purification par le mal et l’impureté.