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BLACK METAL  |  STUDIO

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2020 1 An Ergô Einai
2021 Triade I: Eos
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2023 Triade Iii: Nyx
2024 Eiger
 

- Style : Blut Aus Nord, Rebirth Of Nefast
 

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AARA - Eiger (2024)
Par DARK BEAGLE le 14 Avril 2025          Consultée 398 fois

AARA est un groupe à part. Certains diront que c’est normal, car ils sont suisses. Officiant dans un Black Metal pas forcément très original mais convaincant, les musiciens se sont tenus au rythme d’un album par an sans que la qualité n’en pâtisse. Leurs trois derniers efforts étaient centrés sur l’œuvre "Melmoth l’Homme Errant" de Charles Robert Maturin et le travail accompli a été remarquable : trois albums audacieux pour retranscrire cette référence de la littérature gothique, un pari aussi fou que réussi. Aussi, quand arrive cet "Eiger", il y a de quoi rester dubitatif un instant tant cela semble terne en comparaison, à l’image de la jaquette.

Parlons-en un peu de cette pochette. Les plus observateurs auront remarqué qu’elle est très blanche (et bravo à eux). Elle nous présente un flanc de montagne très escarpé, où l’on voit un alpiniste au premier plan et plus haut, quelque chose accroché à une corde. Difficile de savoir exactement de quoi il s’agit. Un corps ? Du matériel ? Vous aurez la réponse plus loin. Bref, nous sortons des illustrations sombres des précédents albums, mais celle-ci développe toutefois quelque chose de bien lugubre. Quand j’ai commencé à écouter le disque, je dois confesser avoir été en premier lieu déçu. J’avais l’impression que le groupe ne bougeait pas. Qu’il restait figé en essayant de reproduire ses derniers efforts sans parvenir à en tirer la substance.

Après, quelques semaines plus tard, j’ai effectué des recherches. C’est quoi ce "Eiger" ? Il s’agit d’une montagne des Alpes suisses, pas loin de Berne, lieu de villégiature des musiciens du groupe. Il s’agit d’un des monts les plus imposants du coin, culminant à 3967 mètres. Mais il est surtout connu pour son flanc nord, quasi vertical et terriblement meurtrier. De nombreux alpinistes y ont laissé la vie, dont Toni Kurz, Andreas Hinterstoisser, Edi Rainer et Willy Angerer. Maintenant que vous avez le lore autour de cette montagne, vous pouvez sans peine deviner que "Eiger" est un concept album autour de cette montagne et surtout de cette tragédie. Je pense pouvoir avancer sans trop me tromper que nous voyons cette histoire par les yeux de Kurz, qui fut le dernier survivant.

Et une fois que l’on a cela en tête, pour peu que nous ayons un brin d’imagination, l’album nous parait soudain bien plus limpide. Et il devient, par la force, effroyable, à mesure que nous avançons vers l’inéluctable. En tant que chef d’orchestre, Berg (montagne en allemand) nous plante le décor, entre la roche et les intempéries. Il s’arrange pour que l’ensemble monte crescendo alors que nous entrons petit à petit dans l’horreur de la situation. La violence s’intensifie progressivement, le son devient également plus compact, plus sale, à mesure que nous avançons dans ce drame. Puis il y a ces breaks, d’un calme soudain où surnage une guitare acoustique, qui évoque un temps plus clément, qui apporte quelques notes d’espoir qui se noient rapidement dans ce maelström.

Le Black Metal d’AARA reste assez facilement reconnaissable, outre les cris déchirants de Fluss. Cela reste du Black à l’ancienne, avec un tremolo picking appuyé, et une batterie, assurée par J., qui se veut vraiment très dense mais qui ne jure pas que par le blast beat. D’ailleurs, il élargit encore sa palette ici et livre quelques rythmiques martiales qui fonctionnent particulièrement bien dans le contexte de l’album. Aussi, ce qui parait bien anodin aux premières tentatives d’écoutes prend un autre sens à mesure que l’on s’enfonce dans la dramatique de l’histoire. Encore plus qu’avec la trilogie de "Melmoth", les Suisses ont dépeint musicalement le décor et l’action, mais cette fois-ci ils ont traduit en riffs et en violence la montagne, fière et meurtrière et le mauvais temps. Une prouesse qui prend sens à mesure que l’on se fond dans cet album. Le tour de force est de faire cohabiter la nature et la narration.

Quant à Fluss, elle est égale à elle-même. Pour certains, elle est un irritant au chant incompréhensible, tellement hurlé que l’on ne comprend plus rien (en plus, du suisse-allemand, imaginez la pagaille !), mais elle apporte sa pierre à l’édifice. Elle est le vecteur des sentiments et de la terreur qui s’installe peu à peu. Elle raconte cela par le biais de Kurz, donc et elle parvient à nous faire vivre son agonie au travers "Alptraum", un final aussi tragique qu’éblouissant. Le reste, c’est de l’imagination de notre côté, une capacité à pouvoir mettre des images sur une musique et des paroles. Et pour nous aussi un voyage sans retour commence.

Le disque prend un premier tournant sur "Felsensang", quand les alpinistes arrivent face aux 1650 mètres de dénivelé et qu’ils commencent l’ascension. Une tension s’installe, paisiblement aurais-je envie de dire mais ce n’est pas tout à fait cela, et elle n’aura de cesse de monter crescendo, s’offrant également des passages plus éthérés ("Todesbiwak" – d’ailleurs le nom est bien réel, donné suite à une tragédie qui eut lieu un ou deux ans avant celle-ci). Puis nous atteignons le paroxysme avec "Grausig Ist Der Blick" qui nous raconte la mise à mort que la montagne a réservé aux alpinistes. Il s’agit de loin du titre le plus éreintant de cet album, celui qui nous met le plus à mal, avant cet "Alptraum" qui représente cette terrible résignation de Kurz face à son propre trépas.

Vous l’avez peut-être deviné, mais le « truc » suspendu sur la pochette (qui est une peinture réalisée encore une fois par Michael Handt et qui retranscrit simplement une photo d’archive) est le corps de Toni Kurz. Le seul qui aurait pu être sauvé, mais qui se laissa mourir à quelques mètres des sauveteurs à cause d’un nœud qui ne passait pas dans le mousqueton. C’est macabre, ça fait froid dans le dos et ça nous rappelle comme la nature n’aime pas être dérangée. En fait, il s’agit d’un fait divers comme on en a déjà tous lu/vu/entendu parler. Le tour de force du groupe aura été de le retranscrire en musique.

Cependant, je n’ai réussi à entrer pleinement dans ce disque que lorsque je savais ce que l’on me racontait. Quand j’ai enfin réussi à interpréter ce que j’entendais et que je faisais des recherches pour savoir ce qui s’était réellement passé pour pouvoir apprécier totalement ce disque. AARA, ça n’a l’air de rien comme cela, mais c’est un groupe très exigeant et relativement pointu dans ses références, et qui fonctionne beaucoup à l’audace, mais une audace grandement mêlée d’intelligence. Il s’agit de l’une des formations de Black Metal parmi les plus régulières du moment et ce malgré un rythme insensé à notre époque. Encore une fois, les Suisses nous offrent un grand disque. Il reste plus qu’à essayer de deviner quelle sera leur prochaine lubie.

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- Fluss (chant)
- Berg (guitare, basse, claviers)
- J. (batterie)


1. Die Das Wilde Wetter Fängt
2. Senkrechte Welten
3. Felsensang
4. Todesbiwak
5. Der Wahnsinn Dort Im Abgrund
6. Zurück Zur Roten Fluh
7. Grausig Ist Der Blick
8. Alptraum



             



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