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- Style : Deathspell Omega, Secrets Of The Moon

SCHAMMASCH - Triangle (2016)
Par DARK BEAGLE le 1er Novembre 2018          Consultée 1984 fois

SCHAMMASCH a cette tendance à brûler les étapes. Cela peut forcer le respect ou provoquer une méfiance toute aussi compréhensible. Après un premier album pas forcément mauvais mais plutôt banal dans le domaine du Black Metal Orthodoxe ("Sic Lvceat Lvx"), les Suisses sont en effet revenus avec "Contradiction", un double-album riche et sépulcral. On pourrait penser que ce coup d’éclat accompli, les musiciens se calmeraient, mais ils vont aller dans la surenchère avec ce "Triangle". Tout est dans le patronyme de ce disque, finalement. Le triangle évoque forcément une figure géométrique à trois côtés (si ce n’est pas le cas, révisez votre géométrie) et l’album, de ce fait est triple.

Chose étrange, ce "Triangle" est à la fois équilatéral et isocèle. Isocèle, parce qu’un des disques comporte six titres quand les autres se contentent de cinq. Et équilatéral parce que chaque galette fait exactement 33 minutes et 30 secondes. "Triangle" a donc une durée totale de 100 minutes et 30 secondes, ce qui n’en fait pas une œuvre aussi indigeste qu’elle en a l’air. Un tel projet comporte toujours le risque d’être instable, de ne pas être réfléchi, forcément trop long. SCHAMMASCH évite ce piège avec beaucoup d’intelligence et si certains objecteront qu’ils auraient pu se contenter d’un double, pour une telle durée, le groupe aurait perdu tout intérêt à le faire. "Triangle" se devait triple, ou son existence aurait été vaine.

Ce qui surprend tout de suite, avant même la musique, c’est le design très soigné de l’objet. La pochette est très esthétique dans son genre et trouve des suites à travers les trois étuis contenant les disques. À l’arrière de chacun, un symbole ésotérique représentant des formes géométriques dans un médaillon : carrés, triangles et cercles, qui se retrouvent superposés pour la couverture du livret qui, pour le coup, est un peu décevant : quelques pages blanches avec les paroles et les crédits, une photo enfumée des musiciens au verso. Mais l’important, c’est la musique. Et là, les Suisses vont se montrer redoutables.

L’album est divisé en trois parties : "The Process Of Dying", "Metaflesh" et "The Supernal Clear Light Of The Void". Et chacun, bien sûr, possède une ambiance qui lui est propre. SCHAMMASCH a thématisé chaque partie afin de leur donner une personnalité propre, une logique. Et forcément, chacune possède une sonorité qui lui est propre. Et pourtant, l’ensemble semble couler de source, alignées les unes après les autres, en un tout, comme une suite logique. À l’image de "Contradiction", chaque disque propose une musique différente, le troisième réservant le plus de surprises, mais nous y reviendrons plus tard.

"The Process Of Dying" est dans la droite lignée de l’opus précédent. On retrouve ce Black Metal hargneux et mystique à la fois, dans la lignée dark d’un SECRETS OF THE MOON, mais qui peine à décoller par moments. Si "Consensus" et surtout "Awakening From The Dream Of Life" sont des tueries comme on aime en entendre, notamment la seconde qui conclut ce premier méfait d’une façon bien sinistre, l’ambiance est obscure, elle ne prête pas à sourire, mais "Crepusculum", son introduction, est peut-être un peu longue et "Father’s Breath" tarde à nous exploser en plein visage. Mais ce qui frappe, c’est l’ambiance qui se dégage, à la fois mortifère et rageuse, ponctuée par des moments qui font monter l’intensité, comme le passage de chant grégorien au milieu de "Consensus", qui sert de tremplin pour un final apocalyptique.

"Metaflesh", quant à lui, se veut déjà plus posé. Et pourtant, SCHAMMASCH ne va rien perdre de son intensité, bien au contraire ! Ici, le groupe commence à se faire plus atmosphérique et là encore, deux morceaux captent un peu plus les oreilles que les autres : "Satori" et "Conclusion" (et "Metanoia" est vraiment pas mal du tout aussi). La montée en puissance de "Satori", minute après minute, est effroyable d’efficacité, elle nous emmène dans un univers fait d’obscurité, de pleurs et de cris et pourtant les Suisses ne dénigrent pas la mélodie. Ils s’écartent de l’aspect plus primaire de "The Process Of Dying" (et par extension de "Contradiction"), ils s’enrichissent, font un travail extraordinaire sur les voix. En opposition, "Conclusion" est une espèce d’ovni, un titre presque léger, avec une ambiance psychédélique prononcée. La guitare acoustique se marie au mellotron (oui, oui…) sans pour autant que SCHAMMASCH n’y laisse sa personnalité. Et surtout, la piste, qui clôt ce second disque comme vous avez pu le deviner, annonce en partie le troisième.

En effet, "The Supernal Clear Light Of The Void" s’annonce encore plus surprenant vu que la formation lâche le Black Metal pour embrasser l’Ambient. Oui, quelle drôle d’idée. Mais si on suit la logique de l’album, ce n’est pas franchement inadéquat. On a commencé avec l’obscurité la plus moite, comme la terre fraîchement retournée d’une tombe profanée et petit à petit, nous sommes gagnés par la lumière, comme les musiciens d’ailleurs. Et l’ensemble se veut forcément plus planant, mais cela ne sonne pas plus synthétique pour autant. En revanche, seul le dernier titre, "The Empyrean", n’est pas un instrumental. De ce fait, l’écoute de ce troisième volet, si l’on n’apprécie l’Ambient que modérément, peut rapidement devenir fastidieuse, même si heureusement c’est loin d’être linéaire. Ici, ce n’est pas spectral, il n’y a pas de menace sous-jacente, nous sommes confrontés à un moment de paix éclairée, qui permet de souffler après les déferlantes des deux premiers disques.

Le déroulement logique de l’album se conclut donc sur "The Empyrean". Nous sommes passés par toutes les nuances de l’obscurité pour en arriver jusque-là, mais il convient de saluer le travail effectué par SCHAMMASCH ici. Même s’il n’est pas exempt de défauts – au final, le premier chapitre s’avère être le plus faible, ne présentant que peu d’évolution par rapport à "Contradiction", voire pas du tout – cet opus parvient à se montrer passionnant de bout en bout, même "The Supernal Clear Light Of The Void" une fois passé la barrière de la méfiance par rapport à l’aspect Ambient de la chose. Sans que ce soit un chef d’œuvre, le groupe a certainement réalisé son Grand Œuvre, même si nous ne pouvons savoir de quoi demain sera fait. En écoutant "The Maldoror Chants: Hermaphrodite", on peut se rendre compte que les Suisses ont parfaitement digéré les travaux d’Hercule effectués ici pour l’intégrer dans leurs productions futures.

Mais… Il y a un dernier point à traiter. Tout cela se tient parfaitement si, bêtes et disciplinés, nous suivons l’ordre des chapitres indiqués sur les pochettes renfermant les disques. Mais quand on jette un coup d’œil sur les pochettes justement, on remarque que chacune est affublée d’une des parties du triangle, chacune a un des côtés imprimés. La base, en revanche, figure sur "The Supernal Clear Light Of The Void", le troisième chapitre, ce qui m’a intrigué et m’a poussé à écouter l’album à l’envers. Commencer par la fin, remonter l’ensemble dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour terminer avec le premier volet. Et là, l’effet est vraiment saisissant. À mesure que la nuit s’installe dans la musique comme dans nos cœurs, tout devient plus glauque, plus malsain, presque effrayant. Certes, SCHAMMASCH joue du Black, mais son propos n’est absolument pas de semer la terreur dans les chaumières. Mais ainsi, il y a une telle montée en puissance – imaginez ! Passer de la lumière de la vie à la noirceur de la mort ! – que cela en devient vertigineux. Les musiciens font montre d’une grande intelligence et il est possible que le sens de "Triangle" soit bien plus difficile à cerner qu’il n’en a l’air.

Si vous avez une heure quarante à tuer, voire le double, jetez une oreille sur cet album. Méfiance, il a tendance à être très addictif et certains chapitres peuvent ne plus s’arrêter de tourner (personnellement, le second n’a pas quitté ma platine pendant un sacré moment, lui, il vaut ses cinq étoiles !). Amusez-vous à le triturer dans tous les sens, à l’écouter à l’envers si cela vous dit pour tenter une expérience différente. Il vous faudra de toute manière plus d’une heure quarante pour en capter toutes les subtilités, pour assimiler toutes les nuances apportées par les Suisses, qui ne semblent pas prêts de s’arrêter en si bon chemin. "Triangle" est une expérience à vivre, forcément exigeante, mais réellement passionnante.

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   DARK BEAGLE

 
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- C.s.r (chant, guitare)
- M.a (guitare, saxophone)
- A.t (basse)
- B.a.w (batterie)


- the Process Of Dying
1. Crepusculum
2. Father's Breathe
3. In Dialogue With Death
4. Diluculum
5. Consensus
6. Awakening From The Dream Of Life
- metaflesh
7. The World Destroyed By Water
8. Satori
9. Metanoia
10. Above The Stars Of God
11. Conclusion
- the Supernal Clear Light Of The Void
12. The Third Ray Of Light
13. Cathartic Confession
14. Jacob's Dream
15. Maelstrom
16. The Empyrean



             



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