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2015 Abyssal Gods
2018 1 Vile Luxury
2022 Spirit Of Ecstasy

IMPERIAL TRIUMPHANT - Spirit Of Ecstasy (2022)
Par PERE FRANSOUA le 15 Avril 2025          Consultée 235 fois

Vous pensiez que tout avait été fait dans le Metal extrême, tous les sous-genres empruntés, tous les mélanges essayés, toutes les limites dépassées.
Puis un jour vous découvrez IMPERIAL TRIUMPHANT.
Ben merde alors (vous vous dîtes). Là où DEATHSPELL OMEGA ou BLUT AUS NORD se sont arrêtés, ce n’était pas la limite, ce n’était que le sublime (sub limites, sous la limite, littéralement), il était possible d’aller plus loin, encore plus loin, beaucoup plus loin.
Vous découvrez que ce trio new-yorkais enfonce les clous, persévère, et vous entraine toujours plus loin dans son cauchemar. Comme chez David Lynch, nous sommes baladés dans un enfer urbain, miroir noir de nos mégalopoles, vendues comme clinquantes et prestigieuses, vécues comme infernales et dégoûtantes. Leurs opus sont méticuleusement élaborés, les détails significatifs prolifèrent, et nous plongent dans des univers aussi étranges qu’inquiétants, comme chez Stanley Kubrick.

Ici New York city, la Rome de nos temps, centre de l’Empire et dernier cercle des Enfers. Nous y voilà prisonniers, découvrant albums après albums de nouveaux quartiers, de nouveaux étages, de nouveaux bas-fonds, avec pour seuls guides ces trois étranges figures, ces masques de cuivre et de piques, rappelant ceux de « Eyes Wide Shut », à la fois témoins ironiques et troubadours complices.
Vous découvrez un univers visuel parfaitement maîtrisé, extension terrifiante de la musique, convoquant tout ce que vous pourriez craindre de l’écoute, décadence en appartement, errance en taxi, road trip meurtrier, sous l’égide de la pierre taillé, Art Déco et gratte-ciel titaniques.

IMPERIAL TRIUMPHANT génère une sorte de Black/Death avant-gardiste, free-jazziste, tout en chaos ultra-technique, rythmes déstructurés et dissonances exagérées, narré par des vociférations rauques aussi apeurées qu’apeurantes, convoquant l’ambiance des roaring twenties, ces fameuses années folles américaines d’avant la crise de 1929, entre swing big bands et prohibition, édifications d’immeubles à percer les cieux, luxe ostentatoire et mafia toute puissante.
Toute cette complexité musicale est inhumaine (vous vous dites), que ça ne peut être que du cousu numérique trop fou pour être interprété mais vous voyez que le trio se produit partout, tient la scène, s’épanouit dans ces méandre complexes, performant sans clic-track, à l’oreille, sentant la vibe, jusqu’au jam, improvise même devant son public.
Car vous réalisez qu’il s’agit de prolifiques musiciens de jazz new-yorkais, mettant toutes leurs connaissances et techniques au service de la confection de cette bande-son du chaos contemporain.
Vous subissez leur musique mais vous souhaitez tout de même y mettre quelques mots, émettre quelque avis, témoigner de l’expérience vécue, des différences perçues entre les œuvres, mais vous savez que vous ne possédez ni les compétences en théorie musicale ni les capacités cognitives pour décortiquer la chose. Avoué et à moitié pardonné ?
Pour ça vous regardez des vidéos playthrough où le sympathique Zachary Ezrin nous joue ses riffs et l’on comprend mieux la folie, la démarche et le travail. Exactement comme pour ARCHSPIRE mais en pire. Vous regardez bien sûr les multiples prouesses de Kenny Grohowski, ami des polyrythmies, aussi à l’aise dans le blast déstructuré que dans les libertés jazzy, et celles de Steve Blanco, responsables des vidéos du groupe, qui tâte du piano avec autant de virtuosité qu’il clou le groove avec sa Jass Bass Feder distordue.

Avec la sortie de l’offrande de ce début 2025, il faut vite tenir quelques comptes de ce qui est arrivé avant et que nous n’avions pas encore couvert ici.
Aujourd’hui ce sera "Spirit Of Ecstasy", lâché sur le monde en 2022.
Que se cache-t-il derrière cette pochette paisible, avec cette espèce de Joséphine Baker cernée d’or et de cuivre, dépeinte à la manière de Klimt ? Comment exprimer avec des mots ce que ce disque nous assène ?
Le trio nous propose des vidéos, quatre en tout, alors profitons-en, et commençons avec celle qui me sidère le plus.
"Merkurius Gilded" est probablement le clip-vidéo le plus hallucinant et ambitieux que j’ai pu voir, du moins pour du Metal. Un violon vacillant et dramatique démarre, dans un zoom arrière très lent contrastant avec le blast effréné (travelling arrière en miroir inversé du travelling avant qui ouvre Orange Mécanique), on part du trio masqué en train de jouer au ralenti, pour découvrir au fur et à mesure la scène baroque et bigarrée de cet appartement, moulures, tableaux et velours, théâtre de pur décadence lynchienne, sol en damier et statue de femme comme au Korova Milkbar, le délire se dévoile, prostituées à plumes ou latex, un lead de guitare lumineux puis un saxophone soprano fou font leurs incursions, interprété par des guests masqués, un cassure des chœurs et piano nous sort du dézoom et nous plonge dans le stupre de ces bourgeois emperruqués qui festoient autour d’une table. Une claque dont je ne me remets toujours pas.

Dans un registre plus classique, le clip de "Metrovertigo" nous plonge dans un concert du groupe, avec un montage kaléidoscopique et des prises de vues désaxées qui donnent une assez bonne représentation de l’ambiance fiévreuse qui suinte de leurs prestations scéniques. Le titre, tout en rythmiques lourdes, fait penser à une sorte de MORBID ANGEL période "Gateway" dont toutes les limites auraient pété, un break calme en son milieu jusqu’au silence et ce cri d’effroi à 4 minutes 17, relançant le machine de destruction de nos tolérances auditives.
Si les images de "Tower Of Glory, City Of Shame" restent dans la veine sans surprise du montage stressé de films d’époques en noir et blanc, ici dépeignant l’édification de bâtiments et building, de l’Empire State Building à la Tour de Babel, la musique en revanche est une surprise perpétuelle, chaque partie de la chanson est un rebondissement inattendu, où l’on y fait sortir des sons de guitares que GOJIRA n’aurait jamais cru possible, où à la pesanteur succède sans prévenir le rafraichissement dingue d’un lead cristallin sur son blast déstructuré, des hurlement de folle en souffrance percent le break, des coups en accélération font trembler le monde.
Et pour finir l’album c’est le road movie meurtrier et féminin de "Maximalist Scream" qui nous fait quitter l’enfer de la ville pour l’enfer du désert aride et nous finir avec une balle dans la tête, belle métaphore du voyage musical sadique que nous venons de subir. D'un démarrage en trombe au volant du cabriolet, lourd puis groovy, pétage de plomb et tricotage où apparait Denis Bélanger (le chanteur de VOIVOD) débouchant sur un étrange jazz, pour finir sur un solo de clavier synthétique. On l’aura bien cherché.

Comment vous quitter sans évoquer la caution Free Jazz du disque, "In The Pleasure Of Their Company", dont la dinguerie semble presque rassurante après tous ces mauvais traitements, alors que ça n’était qu’une méchante préparation au titre le plus angoissant et dérangeant qui lui succède, la pièce "Bezumnaya", Ambiant et bruitiste, excessivement stressante avec ses paroles en Russe qu’on croirait sortit d’un goulag. L’envie de vomir n’est pas loin.

Comme il m’arrive souvent, au moment d’émettre un avis et de mettre une note, j’invoque tous les prétextes pour relativiser le principe et critiquer la raison même du jugement. Pour "Spirit Of Ecstas" et les œuvres de IMPERIAL TRIUMPHANT, c’est plus vrai que jamais. Devant tout ce travail de dingue dont je n’arrive même pas à me rendre compte, de ce raffinement extrême de l’extrême, que viendrais-je faire ici avec ma petite note, mes étoiles d’ignorant, n’invoquant que mon trivial plaisir auditif comme mètre étalon, nécessairement bridé par mes expériences limitées ? Le trio revendique avoir tenter d’aller le plus loin possible avec cet album, donc si on n’a pas envie d’être malmené à ce point, libre à nous d’aller écouter autre chose. Il est vrai qu’à titre personnel et provisoire, je préfère la production de "Alphaville" (sorti en 2020), plus claire et clinquante, où les instruments se discernent plus facilement, à celles de "Vile Luxury" (et sa version "Redux" ressortie en 2024) et "Spirit Of Ecstasy", plus bouillonnantes et oppressantes. Sachez donc, en vous lançant dans l’écoute de ce disque, que ce sera ce que nos New-Yorkais ont produit de plus dense, extrême, difficile d’accès, mais il est important je crois, que l’art se montre exigeant envers ceux qui veulent s’y frotter, et que l’on y gagne immanquablement en ouverture de synapses et d’âme. Le pari est réussi puisque de plus en plus de gens se jettent dans leur musique ce qui défi tous les critères mercantilistes. On peut plaire en déplaisant.
Nous n’aurons pas toujours l’envie, l’énergie, et la concentration nécessaire pour se plonger dans la bande-son de l’enfer urbain américain ultime, mais si le courage vous en dit, cette œuvre est là pour vous.

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   PERE FRANSOUA

 
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- Zachary Ezrin (vocaux, guitares, orchestrations)
- Kenny Grohowski (batterie)
- Steve Blanco (basse, claviers, piano)


1. Chump Change
2. Metrovertigo
3. Tower Of Glory, City Of Shame
4. Merkurius Gilded
5. Death On A Highway
6. In The Pleasure Of Their Company
7. Bezumnaya
8. Maximalist Scream



             



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