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FUNERAL - Tragedies (1995)
Par PERE FRANSOUA le 16 Février 2025          Consultée 640 fois

Dans le Metal on aime jouer à se faire peur, mort, guerre, démon tout est bon comme carburant pour la création. Il en va de même pour la dépression, la plus noire, la plus profonde, qui nourrira allègrement nombre d’orchestres funèbres. Certains musiciens parmi eux ne jouent pas. Le mal-être, source d’inspiration particulièrement efficace pour le Doom, en a conduit certains jusqu’au suicide.
C’est doublement le cas pour FUNERAL.

L’histoire de FUNERAL est constituée de malheurs, de malchance, comme si l’étiquette Doom les obligeait au malheur, comme si les titres de leurs œuvres étaient des prophéties auto-réalisatrices, "Tristesse" infinie et "Tragédie" obligatoire, de plans foireux en démos passées sous silence jusqu’à à la perte de deux membres centraux, Christian Loos et Einar Andre Frederiksen, deux joyeux lurons qui mirent fin à leur jour, que vous entendrez sur ce disque respectivement à la guitare et à la basse (ainsi qu’aux vocaux rudes).
Avec une musique aussi authentiquement désespérée, il serait malaisant de parler de street cred, ou de suicide cred, ce serait manquer de respect à ceux pour qui la mort était toute leur vie, ainsi qu’à tous ceux qui souffrent de dépression. Néanmoins, l’écoute sincère de leur création musicale nous permet de plonger avec eux au cœur de tout ce mal, et d’y entrevoir de la beauté, à défaut d’espoir.

L’histoire de FUNERAL c’est aussi celle du Funeral Doom, dont la paternité, attribuée a posteriori, est disputée entre trois entités qui n’hésitent pas trop à accepter le couronnement : FUNERAL, qui, outre son nom qui a été pris longtemps après leurs débuts pour définir le genre (eux parlaient simplement de Doom Metal ou de Doom extrême à la rigueur), a ralenti le tempo comme personne avant lui ; THERGOTHON évidemment, kvlt entre tous, dont la disparition immédiate n’a pas dissous l’importance ; et SKEPTICISM, forcément, personnification ultime du terme "funéraire".

Nous voici devant "Tragedies", officiellement considéré comme leur premier album, alors qu’il ne devrait pas en être un, puisque qu’il est constitué pour la seconde moitié, les titres 4 et 5, d’une partie de la démo "Beyond All Sunsets" enregistrée en avril 94 dans autre studio (le même que celui de la démo "Tristesse"). La première moitié, avec les titres plus récents, a été enregistrée à l’automne 94. Il s’agit donc d’un authentique imbroglio comme je les aime tant.
Même si le style et les intentions sont les mêmes, lenteur et pesanteur extrêmes, duo vocal contrasté, on entend bien qu’il y a une petite différence dans la production, la première moitié est plus soyeuse et la seconde plus croustillante, avec les vocaux plus enterrés dans la brume. Néanmoins ce qui les distingue un peu plus nettement sont les compositions et structures, la première moitié se révélant plus variée et mélodique qu’une seconde moitié encore plus sinistre et oppressante car majoritairement encore plus lente et répétitive, monotone et sans espoir ("When Nightfall Clasps" et ces plus de quatorze minutes sans espoir de changement).

Comment décrire la musique sur ce disque ?
Si vous avez déjà bu une Imperial Stout particulièrement dense, le genre vieillie en barrique de rhum ou de cognac, enrichie en lactose, donc crémeuse et tapant dans les plus de douze degrés, vous avez fait l’expérience qu’il est impossible de se l’enfiler comme una caña rafraîchissante et mousseuse servie presque glacée sur le comptoir de una taberna à Madrid, le genre qui étanche la soif et fait glisser la croqueta, c’est même tout le contraire, il faut la déguster, par toutes petites lampées qu’on vient écraser entre la langue et le palais, prenant conscience de ses arômes puissants, à la manière d’un vrai ristretto italien, vos papilles sont saturées et l’on peut se demander si on arrivera au bout du verre, qu’on a payé une blinde, même si c’est un galopin. L’astuce c’est de se rincer la bouche avec un peu d’eau entre chaque lampée, et de prendre son temps. Alors il s’offrira à vous une mélopée de saveurs raffinées, aussi belles que profondes.
Voilà bien des observations et conseils qui s’appliqueraient aux premières œuvres de FUNERAL et en particulier à ce vrai-faux premier album particulièrement long en bouche, où se marient la noirceur la plus liquoreuse et la tristesse la plus raffinée.

Tandis que la bourrasque Black Metal mettait la Norvège à feu et à sang, la bande de jeune menée par le batteur Anders Eek, membre fondateur et aujourd’hui unique membre originel, passait totalement inaperçu. Leur œuvre, à rebours des canons du moment, n’en est que plus méritante. Sans label ni distributeur, auto-financée, gravée dans un studio tout pourri, l’album n’en est pas moins éblouissant. Le son épais nous étreint, la batterie éparse étonne et les forts éléments "non Metal" ravissent.
Ce seront ces introductions et passages à la guitare classique, romantiques et mélancoliques, presque médiéval dans l'esprit, joués avec brio et délicatesse par un ami (Steffen Lundemo), qui créent à chaque fois un climat hors du temps.

Ce seront bien sûr les vocaux de haut perché de Toril Snyden, d’une grande pureté, à l'émotion directe et crue, loin de l'emphase d'une soprano classique, qui viennent compenser tous ces aigus que les guitares ne jouent pas. Sa voix s’envole au-dessus de ces marais de chagrin, circonvolutent, arabesquent (les magnifiques "Taarene" et "Under Ebony Shades") ou s’étirent comme des chagrins, quand ils ne se disloquent pas carrément, chaque syllabe s’étirant jusqu’au bout de la nuit ("Moment In Black", "When Nightfall Clasps").
De temps à autres de vocaux de bête viennent dialoguer avec la belle, se répondent ou s’entrelacent. Ces raclements profonds proférés par Einar Andre Frederiksen, le bassiste (et auteur des textes), qui occupaient toute la place à l’origine (la démo "Tristesse") n’ont que le second rôle mais constituent un contraste gouleyant et saisissant avec ceux de la soprano.
Ce sera aussi ce violon plaintif et déchirant, joué par un autre invité (un certain Herman) dont l’archet tranche nos veines tout du long de "Moment In Black", sommet de tristesse insoutenable qui fera passer MY DYING BRIDE pour une bande de comiques troupiers.
Aucun clavier synthétique ici-bas (il faudra attendre les albums suivants), que des vraies cordes sensibles, terriblement humaines, loin de la grandiloquence des autres orchestres concurrents. Anders Eek a toujours clamé son amour pour la musique classique, qu’il essaiera de bien des manières d’incorporer à son Doom. Il faudra attendre fin 2024 et "Gospel Of Bones" pour y trouver enfin son accomplissement total avec baryton et musique de chambre.

Je macère dans cette chronique depuis des années, et maintenant que je me rapproche de l’échéance de la mise au monde, je m’y accroche, je ne veux pas perdre l’excuse de m’y plonger encore et toujours, je ne crois plus à la possibilité de trouver les bons mots pour traduire toute cette belle tristesse, puisqu’il s’agit d’une des œuvres les plus importantes de la musique lente et lourde, une œuvre unique ou presque, car par la suite des disques de FUNERAL seront à chaque fois différents.
Si l’on peut mettre dans le même ensemble stylistique "Tragedies" et les trois autres titres de la démo "Beyond All Sunsets", on ne retrouvera pas cette même recette, ni avant, ni après. Avant, c’est la mythique démo "Tristresse" dont je vous parlerai bientôt, plus nettement Doom Death et sans vocaux féminins. Et l’après c’est un nouvel imbroglio de malchance, de changements de membres, d’enregistrements enterrés jusqu’à "In Fields of Pestilent Grief" six ans plus tard, six ans trop tard, et bien trop différent.
J’ai aussi longuement hésité entre me concentrer uniquement sur l’album sorti dans l’indifférence en 1995 ou m’occuper de la compilation "Tragedies/Tristesse" ressortie en 2005, souvent plus prisée, notamment parce qu’elle contient les excellents titres de la démo qui n’ont pas été repris sur l’album. Vous voilà avertis.

Venez donc expérimenter la tristesse la plus profonde, perdez-vous dans ces complaintes interminables égrenées à la lenteur de l’obscurité, bercés par les guitares sans espoir, accrochés aux volutes vocales comme à des étoiles brillantes par une nuit sans fond. Ce "Tragedies" incompris et oublié dès sa sortie en 1995 (le label les a arnaqué et s'est barré avec la caisse) n'a pas eu de suite l'impact qu'il méritait, et la suite, encore plus malchanceuse, a laissé passer de plus jeunes imitateurs devant. C'est bien pour cela qu'on le considère comme un disque culte.

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   PERE FRANSOUA

 
  N/A



- Toril Snyen (vocaux principaux)
- Anders Eek (batterie)
- Thomas Angell (guitares)
- Christian Loos (guitares)
- Einar Andre Fredriksen (basse, vocaux durs)


1. Taarene
2. Under Ebony Shades
3. Demise
4. When Nightfall Clasps
5. Moment In Black



             



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